Minuscule et inoffensive comédie d’été, Little Manhattan explore la logique des rapports amoureux à hauteur de morveux. Gabe, 11 ans, partage son quotidien entre terrain de basket et PlayStation jusqu’à ce que Rosemary, benoîte vestale à tâches de rousseur, le plonge dans les tourments de l’amûûûr, ce noble art (les mômes se rencontrent pendant un cours de karaté). Grosse claque pour le marmot, qui se prend les pieds dans sa trottinette, perd la main à Tekken, et n’en finit plus de disserter, off, sur la barbarie foncière de la tou-toute première fois. Le résultat, sans grand intérêt, est quelque part entre une version basse des premières pages de Haute fidélité (la voix-off du gamin, façon trentenaire lucide et blasé) et l’essai pas encore écrit de J-C Kaufmann, le sociologue français aux belles bacchantes, sur la logistique des rapports de sexe en terrain pré-pubère.
Première rencontre, premier mal de bide, premier bécot, première crise de larmes : Little Manhattan déroule dans l’ordre son gentil cahier des charges. On connaît le mot de Barthes sur la question : « Mon corps est un enfant entêté, mon langage est un adulte très civilisé ». C’est un peu comme si le film avait échafaudé son maigre dispositif en prenant la formule au pied de la lettre : burlesque innocent du petit corps chamboulé par l’apprentissage amoureux versus voix-off consciente qui joue la connivence entre adultes sur le dos du mouflet. Pas foncièrement déplaisant, mais on a le droit de trouver un peu gonflante cette manière qu’a le scénario de jouer à la poupée à l’envers (corps d’enfant / problématiques d’adulte), jubilant à découvert d’avoir accouché de son petit monstre à deux têtes, mimi tout plein mais réflexif en diable.
Au total, difficile de dire à qui ce faux film pour enfants s’adresse, sinon à ses gentils auteurs. Pièces versées au dossier de presse : le réal et la scénariste sont un couple à la ville (et, précision utile, on doit à Mark Levin le scénario de nombreux épisodes des Années coup de cœur, honnête série des 90s qui traitait sur le même mode le vert mais pas tout rose paradis des amours enfantines), accouchent ici de leur premier film, et » trouvent l’amour très important » . Le pire du film est là, dans sa façon de contempler son sujet avec le regard bêta du jeune couple qui s’émerveille des gazouillis de sa progéniture. Rien de mal à ça, au fond, mais on n’avait pas demandé à recevoir le faire-part.