Découvert à Deauville lors du dernier Festival du film américain, L.I.E. fit office de pépite d’or pour les chercheurs cinéphiles perdus au milieu d’une mare d’oeuvres consensuelles et insignifiantes pompeusement estampillées indépendantes. Le jury ne s’y trompa pas qui lui décerna son Grand Prix et c’est en toute logique que le film de Michael Cuesta s’est vu offrir les honneurs d’une sortie salle, privilège rare quand on considère le nombre de chef-d’oeuvres aperçus en festival et coincés dans les bacs, faute de distributeurs. Très vite comparé à Larry Clark, rapport à sa fascination pour les petites frappes au visage d’ange, skaters slakers et autres tapineurs précoces, Michael Cuesta partage aussi avec le réalisateur de Kids le goût pour la chronique adolescente trash, même si les héros de L.I.E. font preuve d’une plus grande retenue que leurs aînés junkies. Emouvant récit d’apprentissage, le long métrage de Cuesta raconte l’éveil à la vie d’un jeune ado, éveil qui commence par l’appréhension de sa sexualité et qui passe par l’affranchissement final d’une figure paternelle traumatique. Livré à lui-même depuis que sa mère est morte et que son père s’est recasé, Howie fait un jour la connaissance de Big John, un quinquagénaire charmeur amateur de jeunes garçons. Une drôle de relation s’installe entre les deux, mêlant drague effrontée et paternalisme tutélaire.
Elaboré par petites touches nuancées, le récit de L.I.E. ne pose aucun jalon narratif d’emblée et travaille plutôt sur l’indécision : celle du héros par rapport à ce qu’il est en train de vivre et celle du spectateur par rapport à ce qu’il découvre. Car Michael Cuesta fait preuve d’un ton aussi original que déroutant pour raconter une histoire qui semble se construire sous nos yeux. Représentatif de cette manière d’aborder l’action, le personnage de Big John est tour à tour inquiétant et rassurant. Il représente en tout cas pour le jeune Howie la découverte d’un monde dont il pressentait les prémices sans pour autant pouvoir encore se les figurer. Par sa liberté d’expression, L.I.E. dénote dans l’univers rose bonbon ou gentiment potache de la chronique adolescente. Mais Cuesta ne cède pas au sensationnalisme facile ; l’homosexualité est à la fois traitée avec pudeur et polissonnerie, pour une fois dédramatisée. On aurait aimé que le cinéaste en fasse autant avec la mise en scène qui frôle parfois la pose arty (voir les accélérés à la Wong Kar-waï, afféteries inutiles dont se leste Cuesta). Comme trop souvent dans le cinéma indépendant US, les meilleurs auteurs ne sont pas toujours les meilleurs réalisateurs.