Dans un pays où le cinéma survit en grande partie grâce à des prélèvements effectués sur la Loterie nationale, singulière alternative financière à notre système national d’avance sur recettes, on ne s’étonnera pas de voir un cinéaste, en un retour d’ascenseur courtois, rendre hommage à un jeu de hasard populaire, le bingo.
Julian Kemp aura certainement cru détenir là une idée originale et peu exploitée qui lui permettrait de marcher sur les traces du récent succès de The Full Monty. En remplaçant les chômeurs d’une ville provinciale par de petites vieilles galloises et les numéros de strip-tease par des scènes de tirages au sort, il transpose la formule gagnante en en conservant l’esprit initial. Pourtant, autant le modèle dont on s’inspire ici réussissait, malgré ses limites, à jouer sur un humour décalé lointainement nourri par une tradition d’observation sociale à la Ken Loach, autant ici la comédie tombe à plat et les auteurs peinent à insuffler un semblant de chaleur et de légèreté à un ensemble qui sent le réchauffé à plein nez. Tout d’abord parce que les personnages présentés ne sont qu’une longue suite de stéréotypes -de la jolie employée naïve au grand cœur à la serveuse tout en rondeur et vulgarités- mais aussi, et surtout, parce que la mise en scène de Julian Kemp, transfuge de la télévision britannique, demeure d’un bout à l’autre grossière et approximative, sans atteindre jamais à la moindre dimension cinématographique.
Il faut dire qu’au fil de sa progression narrative, Les Vainqueurs s’empêtre dans des retournements de situations aussi improbables que ridicules, n’hésitant pas à faire de son héroïne une sorte de Carrie du pauvre, douée de pouvoirs surnaturels lui permettant de déterminer à l’avance les chiffres que ses clientes retraitées cocheront sur leurs grilles. Cette prescience de la boule numérotée est si malencontreusement amenée qu’elle fait capoter toute la structure dramatique du film. Celui-ci retombant tant bien que mal sur ses pieds en une conclusion artificielle qui au refus du progrès et à l’apologie de la tradition ajoute une résolution morale encore plus convenue. C’est dire l’absolu manque d’intérêt que suscite ce Vainqueurs qui ne remporte rien d’autre que la palme du néant filmique. Bingo !