Soulagement, puis relative déception à la vue des Simpson version grand écran. Soulagement parce que Matt Groening n’est pas épris de mégalomanie galopante en passant de la série au long-métrage. Film ou série, au fond peu importe, la performance réside ici dans la non-performance, fidélité tous azimuts à ce qui fait le génie de l’une des meilleures séries animées de tous les temps. Mais déception, aussi, car sur 90 minutes le film ne tient qu’à moitié son pari. Bien trop court pour que toute la populace de Springfield prenne ses marques, un peu longuet pour l’intrigue, fil rouge plus bâtard qu’iconoclaste, et pas aussi tranchant qu’un banal épisode.
L’histoire donc, celle d’une énième gaffe d’Homer qui provoque une catastrophe écologique en vidant les déjections de son porc dans le lac de Springfield. Le Président Schwarzenegger passe alors à l’action, plaçant la ville en quarantaine sous un énorme dôme en plexiglas. En proie à la vindicte, la petite famille s’enfuit en Alaska avant qu’Homer ne se résigne à corriger sa boulette, poussée par sa femme et ses enfants. Dans les grandes lignes, le film épouse la patine de la série, savant collage de dérisions et d’affects sertis dans un cocon d’images rassurantes (la ville, mais surtout la famille, cellule immuable). Le délire des Simpson est toujours chaud, avec l’intime et l’action comme pistons. En témoigne la meilleure séquence du film, la plus virtuose mais aussi la plus simpsonienne : défié par son père, Bart traverse Springfield en skate dans le plus simple appareil. Tout est là : repères visuels sublimés (le fameux générique de la série, en mieux), découpage ludique (objectif : cacher son sexe), avec en matrice la complicité entre un père et son fils.
Pour autant, cette dualité entre immuabilité et détournements est mise en péril par le cinéma, nouveau format moins évident à domestiquer qu’une amorce d’intrigue farfelue sur une vingtaine de minutes. Le scénario met sous cloche le creuset télévisuel d’un côté et les Simpson de l’autre. Sans Springfield, contre Springfield, l’équilibre est rompu, Homer semble comme détouré, orphelin de son propre univers, le but étant de le reconstituer (le quart d’heure en Alaska, très bon) puis de revenir à la source. Joli mouvement malheureusement grippé. On ne sent pas Groening vraiment cinéaste, c’est-à-dire pas rodé aux contraintes du long-métrage pour lesquelles il ne manifeste aucune gourmandise : caser le maximum de citoyens de Springfield, passer aux guests, apaiser les profanes. Au point que le pivot du film s’en trouve un peu faussé : ce qui semblait acquis est expliqué, monté en noeud dramatique. Par exemple, l’affection soudaine de Bart pour le voisin bigot Ned Flanders ; ressort un peu fastoche, aussi didactique qu’un pilote puisque tout le monde connaît ce bon vieux Ned. Si suite il y a, elle sera meilleure. Forcément.