Ancien assistant-réalisateur ayant entre autres travaillé sur Alexandrie encore et toujours et Malcolm X, Atef Hetata signe ici son premier long métrage après La Fiancée du Nil, un court primé dans de nombreux festivals internationaux. Comme La Ville, il s’agit d’une œuvre due à un ancien collaborateur de Youssef Chahine dans laquelle l’on retrouve plus d’une des préoccupations du grand maître. Mais contrairement au film de Yousry Nasrallah, Les Portes fermées, s’il épouse globalement le discours de Chahine, peine à imposer une narration et une esthétique qui lui soient propres et lui permettraient d’échapper à ses influences.
En pleine guerre du Golfe, au Caire, un adolescent de quinze ans, Mohammed, est élevé par sa mère, une femme libre qui se saigne aux quatre veines pour lui offrir une éducation de premier ordre. Le garçon souffre de l’absence de son père et, parallèlement à la découverte de pulsions sexuelles irrépressibles, s’engage dans la voie du fondamentalisme religieux. Privé de repères, il s’accroche à une lecture intégriste de l’Islam et voit d’un œil horrifié la liaison de sa mère avec son professeur. A force d’aveuglement idéologique, il passe au terrorisme familial et la tue. Au vu d’un tel synopsis, difficile d’attaquer Atef Hetata sur le message qu’il s’efforce de transmettre : ses bonnes intentions sont apparentes. Mais l’on sait justement depuis longtemps que les bonnes intentions ne suffisent pas à produire du cinéma. Le cinéaste pointe du doigt, certes. Il dénonce, soit.
En revanche, tout occupé qu’il est à stigmatiser les dérives qui l’inquiètent à juste titre, il néglige l’aspect visuel de son film. Si les personnages sont travaillés et échappent aux stéréotypes, en revanche les scènes se succèdent et les plans s’alignent avec platitude. Il manque aux Portes fermées le lyrisme d’un Chahine, sa sensualité, son audace. Autant de qualités qui auraient permis à Atef Hetata de transcender les frontières trop évidentes du film à thèse. Reste une vision honnête d’une civilisation tiraillée entre la tentation occidentale (consommation à tout crin, liberté sexuelle, relâchement moral) et la montée en puissance d’un intégrisme qui représente, pour beaucoup, l’ultime rempart contre cette invasion culturelle. Le regard du réalisateur est juste, ses ambitions louables : il omet simplement de prendre du recul et de donner une véritable ampleur cinématographique à son discours. Sa sensibilité ne filtre jamais et le film en pâtit, excessivement anonyme en termes de mise en scène.