Produit bâclé qui sue à grosses gouttes son insupportable envie de faire rire, Les Portes de la gloire est avant tout un produit mal ficelé et suffisant qui se croit malin quand il n’est que bête ; provocateur quand il n’est que gras et grossier. En effet, ce qui déplaît le plus dans cette pochade pour rien, ce n’est pas tellement la caricature de tout et de n’importe quoi, le vilain filmage qui tient lieu de mise en scène, mais plutôt sa folle prétention, son autosatisfaction dans la « trouvaille » censée faire mouche sur le « cochon de payeur », le futur spectateur étant ici méprisé autant que les habitants pauvres de la région Nord constituant la source de la basse inspiration des trois scénaristes du film, parmi lesquels Benoît Poelvoorde.
Ami public numéro 1 depuis sa prestation irrésistible dans C’est arrivé près de chez vous, Poelvoorde, qui transporte à chaque film le fantôme de ce tueur cultivé qui nous fit rire, marque de sa forte empreinte ces Portes de la gloire. D’ailleurs, la « trouvaille » du film tourne autour du personnage qu’il incarne ici. Régis Demanet, chef d’équipe d’un groupe de VRP qui travaille à vendre des encyclopédies dans le Nord de la France, voit dans l’arrivée d’un nouveau vendeur, gendre du patron, l’occasion de réaliser ses ambitions professionnelles : déplacer l’activité de l’équipe dans le Sud de la France et lui faire adopter des méthodes américaines. Où est la « trouvaille » ? Le Demanet en question ne vit son existence pauvre qu’à travers la remémoration d’un film qu’il connaît par coeur : Le Pont de la rivière Kwaï dans lequel il s’identifie au colonel Nicholson, officier martial et entêté. C’est sur la base mince de ce « truc » scénaristique, piqué au Kusturica d’Arizona dream ou ailleurs, que le réalisateur Merret-Palmair tente de nous intéresser à son tableau grossier de quelques hommes au travail.
Non seulement les situations qui s’enchaînent ne surprennent pas, ne valant souvent que par la qualité très irrégulière des répliques, supposées drôles signées Poelvoorde, mais c’est le point de vue du film sur son sujet -s’il faut à tout prix en chercher un- qui est insupportable. Cette fausse compassion généreuse pour les « petites gens », ceux qui se font « avoir » par les stratégies de vente des VRP. On connaît les mauvais arguments des auteurs à notre encontre : « c’est vous qui les méprisez ; nous, nous les regardons simplement, tels qu’ils sont, sans les juger » : on croirait entendre le « tueur susnommé » dans ses grands délires emphatiques et sociologiques. Quant au titre, cette fausse et ironique promesse qui semble dire, d’un ton démago : « il n’y a pas de petit destin, il n’y a que de sottes gens », il témoigne d’une fascination crasse pour la médiocrité. Le film de Merret-Palmair voudrait faire l’épopée du petit ; il n’y parvient pas. Il veut gagner de l’argent sur son dos, voilà tout !