Ophélie Winter, Stomy Bugsy, Titoff… : ceci n’est pas la bande-annonce d’une émission d’Ardisson, mais bel et bien la composition du casting all-stars des Jolies choses, premier long-métrage de Gilles Paquet-Brenner et adaptation du roman éponyme de Virginie Despentes. Confier la prose ravageuse de Mlle Baise-moi à Ophélaïe ou Patriiick, était-ce bien raisonnable ? Au vu du résultat, ces choix ne s’avèrent pas aussi incongrus que prévu, et force est de constater que la plupart des comédiens, a priori trop lisses et médiatisés, sont plus que crédibles dans leurs rôles respectifs. A commencer par Marion Cotillard, d’ordinaire abonnée aux nanars franchouillards (Lisa, Taxi, Du Bleu jusqu’en Amérique) et qui dévoile ici une sensibilité et un talent qu’on ne lui soupçonnait pas. Aussi à l’aise dans le registre de la nympho arriviste que de la rebelle désabusée (pour aller vite), l’actrice prête toute son intensité à Lucie et Marie, les jumelles au centre du récit. La première est une fille assez vulgaire à qui l’on offre la possibilité de devenir pop star. Incapable de chanter, elle demande à sa sœur plus douée d’enregistrer sa voix d’ange sur une bande afin de pouvoir assurer un play-back sur scène. La duperie fonctionne, mais Lucie se suicide. Marie décide alors de lui voler son identité, jusqu’à découvrir les secrets d’une vie malsaine et tourmentée.
La densité romanesque du bouquin de Despentes n’autorisait pas la moindre faille au niveau de la mise en scène, et le novice Paquet-Brenner se laisse souvent dépasser par les mots de l’écrivain (dits par la voix off de Cotillard), sa rage mortifère et le côte punk de ses personnages. Autant de qualités que l’on retrouvait dans la version ciné de Baise-moi, mais qui font cruellement défaut à ce film bancal, dont la réalisation s’avère ou trop plate ou mal maîtrisée dans ses quelques tentatives d’effets de style (images oniriques ultra-léchées, découpage abusif). Dommage, car les intentions du jeune cinéaste ne sont pas foncièrement mauvaises et Les Jolies choses distille quelques émotions sincères, notamment lors du concert final de Marie, apogée d’une quête de soi marquée par le désespoir et l’auto-destruction. Trop gentil et trop sage face à ce monument de nihilisme qu’est la Despentes, Paquet-Brenner réussit à tirer le meilleur parti de ses comédiens et à les immerger dans la noirceur de leurs personnages, mais sans jamais trouver une forme appropriée à leurs névroses.