En science, les découvertes interviennent souvent de manière inattendue. Elles surgissent au hasard, un peu par la bande. Parfois, en matière cinématographique c’est un peu la même chose. Ainsi, Les Infortunes de la beauté prend en grande partie les traits d’une expérience scientifique. Par le truchement de deux gourdes malicieuses (Arielle Dombasle et Maria de Medeiros, impeccables), le « réalisateur » se met en quête de découvrir, avec l’aide de quelques citations bien platement digérées, ce qu’est « La » beauté. Traduction de l’idée du beau pour ce dernier : la femme la plus belle. Cette femme devra être capable à la fois d’inspirer un peintre (ah, l’art et la beauté !) et de séduire, à son corps défendant, un homme (celui dont Arielle Dombasle, midinette de 45 balais, est amoureuse en secret) qui collectionne les conquêtes décervelées à la sortie de l’agence Elite.
Sur la piste de « La » beauté, par incidence, Les Infortunes de la beauté met à jour, avec brio et élégance, la subtile et mystérieuse alchimie de « La » bêtise, celle toute plate, finalement la plus belle car la plus ténue.
Caméra à l’épaule, le réalisateur enregistre inlassablement dans des décors originaux hautement évocateurs (jardins du Luxembourg et petites rues du Marais entre autres), d’intenses discussions à forte densité d’intelligence.
D’abord entre Arielle Dombasle (propriétaire d’une galerie d’art) et Maria de Medeiros (faire-valoir attitré) qui s’échinent à intercepter, avec moult facéties (on se cache à la FNAC, on emprunte un téléphone portable à deux banlieusardes, on rend chèvre le peintre chargé d’exécuter le tableau de « La » beauté, etc.), la femme idéale. Elles en passeront plusieurs en revue sans succès. Car attention, l’objectif consiste à briser les clichés, à ne pas se contenter d’une séduction superficielle de papier glacé, mais d’une femme susceptible de se trouver à l’origine d’un acte de création, argument-alibi inattaquable. Ces déambulations interminables, gorgées de réflexions insipides expulsées par rafales niaises, pourraient déjà aisément constituer un solide matériau de base pour une anthologie de la bêtise (on y apprend hébétés, par exemple, que la vraie beauté ce n’est pas simplement une belle blonde aux yeux bleus perchée sur un podium).
Entrent ensuite Thibault de Montalembert (propriétaire d’une maison d’édition) et son ami (faire-valoir attitré bis), causant de cul entre hommes distingués, les mains dans les poches en marchant. Discussions à l’origine de théories qui s’opposent au pôle féminin, telle que celle du « harem dispersé », qui veut qu’il y ait un morceau (dans le sens de morceau de viande) de beauté dans chaque femme.
Mais ces discours bien théoriques et forts complexes naissent intrinsèquement de l’idylle virtuelle entre Arielle et Thibault. Elle, petite fille quadra sage et complexée (je me cache dès que je vois l’amour de mes rêves), cherche inconsciemment à le conquérir. Lui, séducteur à la vie dissolue dans de belles greluches de défilés, ne croit pas à une seule femme. Mais Thibault, qui n’est pas le dernier des imbéciles, finit bien par se rendre compte que la beauté qu’il pensait dispersée se trouve devant ses yeux en un seul morceau. Arielle (non, ce n’est pas la grande blonde évoquée plus haut), qui lui a indirectement imposé sa vision, l’épouse et lui fait un enfant. D’où le titre…