Une bimbo anémiée rote des scarabées gros comme des pruneaux séchés. Un zouave au zizi riquiqui saute comme un demeuré pour toujours retomber sur un froid damier de pavés. Une blonde très vulgaire en robe de mariée déglutit des boulettes de mie gluante pour en barbouiller l’œsophage d’un chevalier patraque et dégingandé. Une belle brune, coupe au carré, débarque sur scène. Plan de face. Elle s’accroupit lentement et urine sur le sol. Le cadre (un château perdu dans les bois), les personnages (une poignée d’intermittents en manque d’heures), le style (suite de visions abjectes et déconnectées) et la mise en scène (inexistante à force de dispositifs sclérosés) évoquent un mauvais Jean Rollin qui, sans le moindre effet spécial, s’en remettrait à une provoc’ frontale et desséchée.
Bien sale film que cet bouse franco-belge voyant dans la plate mise en scène d’un spectacle fantoche l’horizon d’un cinéma déshabillé de tout artifice : du ketchup en guise de costumes, quelques gouttes de bave et de pisse pour lier le montage, et le tour est joué (pour Coulibeuf en tout cas). Il s’agit là, moins que d’un pathétique canular (le film ne choque même pas, tant se lisent les compromissions de l’acteur aux abois sous l’hystérie du sur-jeu en roue libre), d’une vraie crasse de film « cafard et essai » : du glauque, du vulgaire enrobés dans un package ascétique et sérieux au plus haut point (on n’est pas là pour rigoler). Non seulement Coulibeuf joue d’une ironie parfaitement délétère avec ses petits effets de manche pour initiés (en sous-titre : une « récréation spéciale de Jan Fabre »), mais il révèle l’inanité de sa démarche (adaptation stérile et figée de la danse contemporaine au cinéma) par des tartines de justifications pompeuses quant à son goût pour les passages et les métamorphoses dans le dossier de presse. Une scène est éloquente : un nain tout nu se roule dans une mer de poudre blanche comme un petit roquet libidineux sous le regard hautain d’un gros iguane. C’est le clou métaphorique du spectacle, la scène sur laquelle Coulibeuf s’attarde évidemment le plus : le spectateur roulé dans la farine et le metteur en scène fier de son coup.
D’un certain cinéma-bis et de Jean Rollin en particulier, on aime la façon de vouloir le tout par le rien, les ingénieuses contrefaçons de cosmos et la tentative d’ériger un hypothétique équilibre à partir de petits blocs de néants enchevêtrés en guirlandes rococo. Curieux hasard, le film aura parmi ses rares supports de projection une vieille salle de quartier, l’Archipel, à quelques encablures du mythique et délité Brady. C’est évidemment un sacrilège (pour la salle), mais aussi la plus jouissive punition qu’on puisse infliger aux rêves de grandeur de ce crapoteux duo Coulibeuf / Fabre : voir quelques clochards de passage et malheureux spectateurs entrés sans précaution crier à l’arnaque contre ces guerriers du caca pour qu’on leur rende les samouraïs de Chang Cheh.