C’est probablement en voulant surfer sur la mode du cinéma anglais (on ne peut pas dire renouveau) que le distributeur Diaphana nous ressert froid un plat qui était déjà bien tiède à la base. Ce film n’aurait également pas passé nos frontières s’il n’avait pas été le premier scénario de Simon Beaufoy, auteur heureux de Full Monty. Autant le dire tout de suite, Beaufoy ne brille pas par son originalité, il reprend intégralement le contexte de précarité social qui a fait le succès de ses prédécesseurs. Il est étonnant de voir comment les jeunes réalisateurs et scénaristes anglais marchent dans les pas de leurs aînés (Ken Loach pour ne citer que lui), comme si le contexte social était devenu une condition au succès d’un film (cette sensation atteint son point culminant avec Face d’Antonia Bird).
On pouvait trouver dans Full Monty quelques bonnes idées (en cherchant bien), le contraste créé entre le ton plutôt comique et l’univers plutôt sombre pouvait séduire. Dans Les Géants, rien de tout cela, il y a bien sûr des incartades humoristiques mais cela est uniquement dans le but de nous montrer qu’on a beau être un pauvre ouvrier risquant sa vie tous les jours, et malgré cela sous-payé, on en est pas moins un mec marrant et plein d’entrain. On se croirait dans un film français de la période du Front Populaire.
En ce qui concerne l’intrigue elle se veut originale en déplaçant les dits ouvriers des docks ou des usines sur des poteaux d’électricité auxquels ces derniers sont suspendus afin d’en repeindre la structure. Si comme moi vous ne voyez pas l’intérêt d’un tel travail, Sam Miller, le réalisateur, lui l’a compris car ces poteaux et bien d’autres structures industrielles d’ailleurs sont à la base de l’esthétique de son film. Comme s’il voulait du haut de son très maigre talent explorer la cinégénie de ces installations. Il n’y a pas de mystère, si le film dure une heure et demie c’est bien pour cette raison, sans ces innombrables plans séquences sur des poteaux électriques le film aurait duré au minimum une demie heure de moins. Ainsi, ces soi-disantes visions poétiques de l’industrialisation décadente détiennent un pouvoir soporifique indéniable.
L’histoire en elle même souffre cruellement d’un manque de personnalité flagrant : une femme brise involontairement l’amitié virile que se portent deux travailleurs, cela s’est déjà fait et refait, à commencer par La Belle équipe de Duvivier. Ainsi, la prétention cinématographique et l’absence totale d’originalité font de ce film un objet indigeste qui au-delà de l’ennui, provoque également une grande irritation par rapport à un jeune cinéma anglais beaucoup trop surestimé.