Il y avait tellement à craindre d’un blockbuster historique dirigé par Jean-Paul Salomé, tête de proue de la garnison de yesmen par défaut du cinéma français, que la vision de ces Femmes de l’ombre soulage presque. Sans rire, Sophie Marceau en wonderwoman de la résistance partie tirer des griffes nazies l’espion anglais dépositaire du secret du débarquement en Normandie, ça tient la route. La constitution de la fine équipe de drôles de dames made in France, aussi. L’action s’emballe sans hystérie pubarde ni effets tocs (les décors en revanche maintiennent la tradition carton-pâte du savoir faire du terroir), le scénario tente un mix entre hommage citoyen et serial d’avant-guerre. Vu la conjoncture, il n’est pas aberrant de le voir comme une sorte de prototype de divertissement à la française.
Prototype aussi pour Sophie Marceau, drôle d’actrice, drôle de star, dont l’iconoclaste filmographie et ses divers dérapages télés achèvent de rendre culte. Justement son rôle fantasme une carrière linéaire et exponentielle post-Boum. Enfin un grand rôle popu à sa mesure, qui exploite son pouvoir d’irradiation et le canalise efficacement. Frisant le kitch à fleur d’image, Salomé s’en remet à elle, qui redresse la situation d’un battement de cil. Où comment la stature professionnelle d’une star densifie ce qui l’entoure, l’accrédite, ce que Marceau et, plus largement, les vedettes françaises loupent généralement dans ce genre de néo-divertissement (remember le Romain Duris d’Arsène Lupin du même Salomé, réduit à une gesticulation pop qui ne prenait jamais). Tour à tour action woman, mère poule et fil d’Ariane, Sophie Marceau tient, maîtrise, fragilise si nécessaire, et conclue le film par une séquence stylisée où, uniforme serrée, le regard rempli de haine froide, elle tire une dernière bouffée, au ralenti. Belle synthèse narrative où la sensualité agit comme une mère nourricière – appâter les nazis par un spectacle de nu, une romance trouble (Marie Gillain), allier pulsion de désir et pulsion de mort (la putain tueuse, grand classique).
Le reste de la distribution s’avère accessoire, bien que dans sa globalité, le côté bande de meufs est indubitablement pétillant. Salomé n’a sans doute pas l’outillage du grand spectacle pour faire un grand film mémorable, mais il a le sens de la fratrie, un truc troupier qui assure l’autre assise des Femmes de l’ombre. La conscience du faiseur enfin assumée peut-être : s’entraider entre techniciens du spectacle, rendre aux stars ce qu’elles donnent, procéder par étapes, par segments. D’où le découpage uniquement dévoué à articuler le récit façon boyscout, toujours prêt. Académique ? Certes, mais au moins Jean-Paul a arrêté de frimer.