La multitude des sorties depuis quelques mois n’accroît pas vraiment la qualité du cinéma français. La preuve une fois de plus avec ce moyen métrage qui, semble-t-il, ne doit sa distribution qu’à son casting comprenant trois jeunes comédiennes parmi les plus en vue du moment (la Devos, la Tedeschi et la Côte). Un appât plutôt trompeur car deux d’entre elles ne font qu’une brève apparition dans le film, histoire d’apporter leur soutien à cette entreprise pour le moins hasardeuse. Tournées sur plusieurs années, Les Cendres du paradis adoptent une narration expérimentale où les personnages se dédoublent et les récits se confondent dans l’imaginaire d’Alice, infirmière enquêtant sur l’identité d’Ariane, une patiente qui vient de décéder. Au fil des indices (photos, journal intime), les fantômes apparaissent, à moins qu’Alice ne transfère sa propre vie sur celle d’Ariane…
Cinéaste depuis plus de vingt ans, Dominique Crèvecœur se complaît ici dans une fiction embryonnaire cherchant à perdre son spectateur à travers les aléas d’un scénario flottant (le film est d’ailleurs en grande partie improvisé). Ainsi, certaines séquences se répètent mais avec des acteurs différents, tandis que des figures mystérieuses surgissent au détour d’un plan ou d’un mouvement de caméra fortuit. Mais cette (dé)construction systématique propre aux films-cerveaux (dont l’ancêtre serait le Providence d’Alain Resnais) se révèle très vite factice, souffrant d’un manque de sens et, plus encore, de sensibilité. Dans Les Cendres du paradis, rien ni personne ne suscite un quelconque intérêt tant les visages et les mots paraissent écrasés par l’importance donnée à la composition d’ensemble. Pourtant, la réalisatrice devrait savoir qu’une œuvre sans enjeux équivaut à une absence d’œuvre, à un point tel que toutes les tentatives formelles de ce film (qui, précisons-le, ne sont guère brillantes) finissent elles aussi par être annihilées, anéanties par une ambition qui n’a pas su s’orienter.