Les Casablancais s’ouvre sur une vue générale de Casablanca, la ville la plus moderne du Maroc, dominée par l’imposante (et toute récente) mosquée Hassan II. Le film se clôt sur la même image. Entre ces deux moments, l’emprise de la religion et du pouvoir royal, ainsi symbolisés, n’auront cessé d’imprégner chaque séquence.
Le deuxième long métrage réalisé par Abdelkader Lagtaa nous plonge au cœur de la métropole économique marocaine. Dans ses appartements, ses cages d’escaliers, ses ruelles, planent des regards épieurs et des oreilles curieuses. Tout le monde veut tout savoir sur tout et ceux qui auraient quelque chose à se reprocher (par exemple vendre ou acheter un livre sur le pouvoir monarchique au Maroc, allusion directe au fameux livre interdit Notre ami le roi de Gilles Perrault) s’imaginent, à la moindre alerte, croupissant dans une prison reculée. Autre axe exploité par Abdelkader Lagtaa, le pouvoir exercé par les extrémistes à l’école donne lieu à une deuxième intrigue. Un jeune garçon est persuadé que ses parents sont l’incarnation du diable et se met en tête de les tuer. Les personnages de chaque histoire se développent en parallèle et ne se croisent que deux fois, au début et à la fin du film.
Si la volonté d’avoir une démarche critique par rapport à la situation actuelle du Maroc est louable, d’autant que la censure est encore très efficace dans ce pays (l’un des courts métrages d’Abdelkader Lagtaa a été interdit), cela ne suffit pas à faire un film. Comme dans Femmes… et femmes de Saâd Chraibi, c’est la mise en scène qui est loin d’être à la hauteur du sujet. Le scénario insiste lourdement sur les éléments que le spectateur ne peut plus ignorer. Les acteurs manquent trop souvent de naturel et leur jeu (excepté celui de l’actrice algérienne Karine Aktouf) se rapproche parfois même du mime. De plus, on n’échappe pas à la scène onirique empreinte de poésie de supermarché qui semble indispensable à tout auteur marocain. Bref, la légèreté n’est pas le fort de ce réalisateur et il est certain que le film ne serait jamais sorti en France sans la manifestation globale Le temps du Maroc, qui cherche à faire connaître une cinématographie mal connue… Souhaitons que Les Casablancais n’en soit pas représentatif.