Six cachetonneurs- des musiciens qui vivent du cachet- se retrouvent dans un château en Normandie pour préparer un concert du Nouvel An, commande d’un riche propriétaire d’une belle demeure.
Pour ce premier long métrage Denis Dercourt, musicien (il enseigne le violon) et cinéaste filme les répétitions d’un sextuor. A sa tête, Roberto cherche et trouve les cachetons. Sur ses épaules repose la bonne marche des affaires, mais sur lui s’abbatent les sautes d’humeurs des fortes personnalités qui l’entourent. Outre Roberto, il y a Lionel le cleptomane, Martial le syndicaliste qui fait respecter à la note les règles syndicales. Martial, un fraternel restaurateur de violons à se heures perdues, Thérèse, enceinte mais qui n’accouchera pas avant la date du récital . Reste les deux timides, Diana la débutante, et un clarinettiste qui ne sait pas déchiffrer la musique sur partition et joue de mémoire. Avec cette petite bande à laquelle on s’attache et que l’on finit par bien connaître, on s’aperçoit que la musique n’adoucit pas forcément les mœurs.
On retrouve avec plaisir l’immense musicien classique Ivry Gitlis qui accompagna le temps d’une chanson Léo Ferré, et qui fut le soliste du film La Vie devant soi. Dans une belle séquence qui ouvre le film, il interprète un autoritaire professeur de violon devant lequel Diana, sa jeune élève, lui avoue « cachetonner » pour vivre. Le maître est déçu. Le châtelain mécène c’est Philippe Clay, émouvant de justesse en grabataire cloué sur son fauteuil. Un plan nous le montre écoutant en cachette les répétitions de la jeune formation. Le vieil homme tend l’oreille, pointe le nez dans la direction du « Salon de musique » et tente d’attraper les notes qui s’en échappent. Bref moment intense et magique.
Dernier personnage haut en couleur de cette histoire : le Maître Svarowki campé par Henri Garcin. Un chef d’orchestre à l’accent germanique, professeur autrefois de Roberto, à Vienne.
Denis Dercourt filme les qualités et les défauts des musiciens, parfois même leur étroitesse d’esprit, mais il le fait toujours en complice. Il est l’un d’eux, il appartient à la famille.
On se souvient du Salut l’artiste d’Yves Robert, superbe dédicace au métier d’acteurs. Les Cachetonneurs est aussi un hommage aux musiciens de cette fin de siècle, qui galèrent et ne sont pas si souvent à Gaveau, ou Pleyel. Son film doit beaucoup au cinéma anglais de ces dernières années, signe d’une Europe culturelle en avance sur l’Europe politique. Tant mieux.
« Le cinéma, cette musique du cœur » écrivait Abel Gance. Denis Dercourt nous le confirme. Eteignez vos portables, un coup sec et précis de baguette sur le pupitre, la projection peut commencer.