Remake de L’Extravagant Mr Deeds de Frank Capra (1936), le Deeds 2002 révèle à quel point cette comédie de moeurs se prête de bon coeur au détournement réac’. On imagine bien un quelconque office de tourisme implanté au plus profond du trou du cul du New Hampshire être à l’origine de ce produit promotionnel bâti à la gloire de tous les bouseux ignares de la cambrousse américaine. Malheureusement pour eux, cette longue pub que l’on verrait bien mieux tourner en boucle dans les agences accueillant nos chers touristes FRAM que sur des écrans de cinéma reste bien trop insignifiante pour restaurer l’image sans fard de ces contrées les plus reculés que les Massacre à la tronçonneuse, Twin Peaks et autres virtuosités du genre ont déjà largement esquissé. Point de départ de cette promo ethnologique : un héritage colossal oblige Longfellow Deeds (Adam Sandler qui reprend le rôle de Gary Cooper) à quitter son bled natal et ses potes de chasse pour se rendre dans l’impitoyable jungle new-yorkaise. « Une » de la feuille de chou locale dédiée à l’événement, fanfare qui accompagne le départ, gogol local (« Crazy Eyes » interprété par un Steve Buscemi dont on se demande ce qu’il peut bien faire là), conversations et rêves de demeurés (Deeds espère voir ses poèmes bidons édités sur des cartes de voeux) laissent d’abord penser à un portrait déconnant de ces gentils quackers. Erreur : au bout d’une demi-heure le second degré n’a toujours pas pointé le bout de son nez. Bien au contraire, on se dirige sans rire et à grands coups de morale fermière vers un duel à distance entre les sympathiques benêts remplis de bon sens à défaut de finesse et les fourbes citadins qui pourrissent le monde avec leurs perversions.
L’issue de cet affrontement ne fait bien entendu aucun doute et débouche directement sur quelques commandements de la vie rêvée de Georges Bush Jr. Manipulé par le PDG de la société dont il doit devenir le proprio et par une jeune journaliste arriviste (Winona Ryder), Longfellow rentre chez lui dépossédé de son entreprise et de ses illusions romantiques primaires avant de faire un come-back dévastateur pour sauver son héritage du démembrement et raviver son amour. S’en suit le premier commandement donc : de la ville tu te méfieras et ton patelin tu vénéreras. Cela te permettra d’y ramener à l’occasion une reporter toute repentante et soumise que tu auras remise au préalable dans le droit chemin grâce à ta bonne éducation naturelle. Deuxième enseignement : de l’argent tu te désintéresseras. Suffisamment pour donner des leçons sur le sujet à un actionnariat cupide, mais pas trop quand même afin de pouvoir accepter le don du véritable héritier (ultime rebondissement improbable). Normal, à la campagne on aime aussi l’argent mais proprement. Troisième commandement : à tes rêves de gamin tu resteras fidèle. C’est à dire que quand tu veux devenir pompier ou vétérinaire tout petit tu ne peux pas décider de démanteler plus tard une société. Il suffit simplement qu’un plouc charitable te le rappelle opportunément lors d’une assemblée d’actionnaires (pour ceux qui, enfants, rêvent déjà d’être sérial-killer, voir la solution au chapitre peine de mort). Enfin, quatrième commandement : toi-même tu resteras. Au lieu de courir après le succès professionnel en produisant des reportage fallacieux pour ton boss, tu pourras ainsi reconquérir, à l’aide d’une épatante démonstration de grand reportage (recherche concomitante d’un nom à la mairie et dans l’annuaire afin de retrouver le véritable héritier !), un pauvre con du New Hampshire qui restera lui-même pour toujours. On en connaît au moins un à qui le film va plaire.