Régulièrement invité sur les plateaux télé où il ne manque pas de pousser ses légendaires gueulantes, Jean-Pierre Mocky est le paria le plus célèbre du cinéma français qui aimerait bien ne plus entendre parler de lui. Pourtant, en toute indépendance et dans une confidentialité en passe de devenir mythique, Mocky continue à réaliser des films, à raison d’un voire deux par an. On est certes très loin des réussites et des gros budgets comme Les Saisons du plaisir ou Noir comme le souvenir car le cinéaste a entamé une carrière « Bis » à mesure que ses budgets se sont amaigris pour finir par ne plus ressembler qu’à une peau de chagrin ou…aux Araignées de la nuit, dernier long du trublion septuagénaire. Intermittents du spectacle cachetonnant, décors cheap, intrigues de plus en plus bâclées, les derniers films du cinéaste ont désormais tout pour plaire aux amateurs d’un cinéma de genre fauché qui n’en conserve pas moins le panache lié au caractère franc-tireur de leur auteur. A cet égard, Les Araignées de la nuit renoue avec les aspirations pamphlétaires de Vidange (1998). Les politiciens véreux y sont une nouvelle fois la cible de Mocky qui, actualité oblige, choisit de placer son récit pendant les élections présidentielles avec une sombre histoire de candidats éliminés mystérieusement.
Chez Mocky peu importe évidemment l’intrigue, menée avec un tel relâchement que son invraisemblance contribue au final au charme du film. Les Araignées de la nuit comme les derniers longs métrages du cinéaste porte la patte de leur auteur : un mélange de vulgarité assumée, de dialogues truffés de jeux de mots vaseux et surtout de « gueules » comme on n’en voit plus dans le cinéma français depuis les années 40. Avec les derniers collaborateurs fidèles qui lui sont restés, Mocky a su se former une petite troupe d’acteurs, bestiaire sympathique chargé de jouer les méchants de service. Quant à Mocky alias l’inspecteur Gordone, malgré la teinture noire et la silhouette de plus en plus vacillante, il se verrait bien en Bogart frenchie et s’arrange toujours pour être accompagné d’une acolyte sexy tant pis si celle-ci a déjà quelques années au compteur. Avec Les Araignées de la nuit, Mocky mitonne les ingrédients du film noir à sa sauce et nous sert une pochade ambitieuse et fauchée dont lui seul en France a désormais le secret.