Le petit monde de la distribution est régi de nos jours par des pratiques difficilement compréhensibles pour le non-initié qui, de l’extérieur, a souvent du mal à comprendre pourquoi certains films totalement dépourvus d’intérêt, et en lesquels même leurs promoteurs ne semblent pas croire, arrivent envers et contre tout jusqu’au public français. Les Ames perdues illustre à merveille ce type de produit au rabais : un film à 28 millions de dollars ayant fait une carrière éclair en salles aux Etats-Unis sans réussir à mobiliser plus d’une poignée de spectateurs. « Pourquoi donc prendre la peine de diffuser la chose en France ? » est-on en droit de se demander. Tout simplement parce qu’elle fait partie d’un package New Line et que l’économie du cinéma, féroce et déstabilisant domaine, vit au rythme de tractations singulières et primitives qui se résumeraient, en simplifiant à peine, par un trivial « je te vends ce que tu veux, si tu m’achètes aussi ce qui n’intéresse personne ». Voilà comment déboule sur nos écrans un Everest de médiocrité comme Les Ames perdues.
Winona Ryder, pieuse assistante d’un exorciste zélé, entre en possession d’un message crypté délivré par un possédé. Elle parvient à en déchiffrer le contenu pour s’apercevoir qu’il lui indique l’arrivée de l’Antéchrist et (bingo !) l’identité de celui en qui il va s’installer : un auteur de best-sellers maître es serial killers et assassinats violents mais surtout totalement athée (bingo again !). Une fois développée cette féconde exposition, le film s’agite tel un shaker dans lequel se bousculent des emprunts à La Malédiction, L’Exorciste et autres classiques du même acabit. La mise en scène de cet indigeste brouet à été confiée à Janusz Kaminski, chef-opérateur attitré de Spielberg depuis La Liste de Schindler et monsieur Holly Hunter dans le privé. Meg Ryan, qui semble gérer sa carrière de productrice avec autant de discernement que ses choix d’actrice, a patronné ces pathétiques débuts dans une réalisation qui s’appuie principalement sur une création d’ambiance jaunasse et supposée angoissante via les éclairages de Mauro Fiore, ancien assistant dudit Kaminski.
Tout cela -le titre au moins ne ment pas- est filmé sans âme. Mais aussi sans imagination, sans humour, sans idée. Du thriller horrifique dépourvu de la moindre inspiration et qui se prend au sérieux. Le seul à pouvoir se féliciter d’avoir participé aux Ames perdues peut être le coiffeur de Winona Ryder qui en essayant sur la pauvre mignonne une teinture blond vénitien a réussi l’exploit d’enlaidir une des plus séduisantes comédiennes de sa génération. Malheureusement, le générique ne le crédite pas. C’est la dernière d’une longue liste de frustrations suscitées par ce navet dépossédé et si ce n’est pas la pire, elle finit par le rendre encore plus antipathique qu’il ne l’était déjà.