Catherine Corsini aime les bras de fer tragi-comiques. Se souvenir de La Répétition en 2001, grosse plantade cannoise qui narrait, pour faire vite, la rivalité entre une star (Béart) et une fan (la comète québécoise Pascale Bussière). Dans Les Ambitieux, la drôlerie l’emporte de justesse sur la dépression chronique. Le pitch : un écrivain en herbe monte à Paris rencontrer une directrice de collection powerful. S’ensuit une romance ludique dont la trivialité n’est qu’apparente. Le premier trouve dans les armoires de la seconde le journal intime d’un père révolutionnaire qu’il détourne sans vergogne. C’est pas sa faute : ayant rejeté son premier manuscrit sans l’avoir lu, sa maîtresse lui conseille de faire moins nombriliste. La revanche s’annonce terrible.
Petit maître d’un cinéma intello bien propre sur lui, Catherine Corsini reste fidèle à elle-même, sorte de Francis Veber pour bobos. Les Ambitieux use du décorum habituel, où Woody Allen et Patrice Leconte dernière période sont convoqués : on se repaît des moeurs cool des élites, avec fantaisies et introspections diverses. Le monde de l’édition n’est pas pris au hasard mais au pied de la lettre, charriant toujours la même approche de fascination-répulsion : névroses urbaines, obsession du génie littéraire, traque du parisianisme, viandardise du petit monde de la télé, tout cela emballé dans un réalisme gris-brun. De la Rive gauche à Oberkampf, rien de nouveau. Heureusement, le film puise également dans cette patine un savoir-faire qui dissipe rapidement tout malentendu. Non, Les Ambitieux n’est pas un film d’auteur standard mais un film de genre tout bête, assez gratuit mais imparable.
Car la mécanique de la rivalité est exploitée à la manière d’une série B consciencieuse : Corsini a l’audace de mener l’action tambour battant, s’en tenant à des principes de narrations aux limites du boulevard. Opposition Paris-Province, compositions des acteurs (le stressé à lunettes contre la mante religieuse névrosée), coups du sorts et perversité à la petite semaine, Corsini passe son temps à poser des balises. Il suffit de voir la bande annonce, gonflant les images à coups de cartons colorés et de musique pop, pour constater à quel point l’armature de la comédie romantique se détache du bouillon de culture.
Ça n’empêche pas la théorie d’avoir toujours une longueur d’avance sur la pratique. Les Ambitieux souffre d’un plaisir de surfeur et non de bâtisseur : le film a beau rester agréable, pas une scène ne s’imprime, la banalité du mood s’imposant au finish. A l’image de la résolution, éventail de tonalités, puis pirouette à l’américaine vaguement européanisée où un ami clodo de Caravaca remonte les bretelles de Karin Viard dans un traquenard à moitié pervers. Le film se retourne alors comme une crêpe, chassant sa propre ambiguïté via une trivialité pleine de bons sens. Roublardise bien troussée mais pour quoi au juste ? Pour le point final.