Deux jeunes cinéastes espagnols passionnants ont émergé ces dernières années : Alejandro Amenábar, l’auteur de Tesis et Ouvre les yeux, et Julio Medem. Les deux artistes ont en commun un goût prononcé pour les scénarios alambiqués et des images très travaillées. Quatrième film de Medem, Les Amants du cercle polaire confirme ces tendances tout en péchant in fine par le systématisme de son récit. Celui-ci se focalise sur deux personnages, Ana et Otto (prénoms qui ont la particularité d’être des palindromes, c’est à dire pouvant se lire dans les deux sens), que l’on suit de la petite enfance jusqu’à l’âge de 25 ans. Alors qu’une série de coïncidences dont ils sont plus ou moins à l’origine (la mère de l’une tombera notamment amoureuse du père de l’autre) va les réunir, d’autres événements (la mort de la mère d’Otto en premier lieu) finiront par les séparer sans qu’ils ne cessent de s’aimer. Mais une passion commune pour le Cercle Polaire, lieu magique par excellence, bouleversera leurs destinées respectives…
La première partie du film est très réussie, dans le sens où l’on y retrouve tout ce qui fait la force du cinéma de Medem. Tout d’abord, une atmosphère dont l’envoûtement tient en partie à la belle musique d’Alberto Iglesias (fidèle à Medem mais qui a également écrit les partitions des deux derniers films d’Almodovar) et à une utilisation intelligente de la voix-off (celles d’Otto et d’Ana se succédant comme les expressions de deux univers intérieurs très forts). Les Amants du cercle polaire fait aussi preuve d’un humour discret mais efficace -la scène du magasin- et étonne par ses parti pris visuels, plutôt originaux (on notera l’usage amusant de certaines ellipses). Enfin, une construction narrative très maîtrisée achève de rendre le film jubilatoire : la division en chapitres dictés par la subjectivité des deux héros forme une sorte de puzzle à l’issue duquel tout finit par se recouper sans toutefois nuire à la fascination émanant de l’ensemble. C’est à partir de l’arrivée d’Ana au fameux Cercle Polaire, en Finlande, que ça se gâte. L’obsession de Medem concernant l’influence du hasard sur les existences, ou encore la perpétuation des histoires ou des situations à travers différents personnages, finit par perdre de son intérêt à force d’insistance inutile. Le ludisme a laissé place à une certaine lourdeur, l’originalité au conformisme. Malgré tout, ces quelques scènes « de trop » ne parviennent pas à gâter le plaisir éprouvé auparavant, d’autant plus que les derniers plans du film sont d’un lyrisme rare et échevelé…