Co-scénarisé par Benoît Poelvoorde, Le Vélo de Ghislain Lambert semble autant devoir à son acteur principal qu’à son réalisateur. Difficile en effet de ne pas sentir la patte de l’humoriste belge dans ce film qui joue à fond la carte de la peinture de mœurs féroce telle qu’elle a été initiée par le très trash C’est arrivé près de chez vous et la fameuse série documentaire Strip tease. Les gens du nord semblent décidément avoir beaucoup de mal à se débarrasser de cet humour limite masochiste dans lequel ils ne cessent de s’auto-caricaturer (voir Les Convoyeurs attendent de Benoît Mariage et Les Portes de la gloire de Merret Palmair avec le même Poelvoorde). Ici, l’action se déroule dans le milieu du cyclisme amateur en Belgique à la fin des années 60, ce qui donne évidemment lieu à une reconstitution historique qui ne lésine pas sur les reliques ringardes (les tapisseries psychédéliques et les abats-jours spatiaux…) et autres détails kitschs (les pantalons patte d’eph moulants couleur maronnasse). La minutie de cette reconstitution mais aussi sa facilité finissent par franchement agacer tant les auteurs se moquent grassement de la gueule de leurs compatriotes. On attendait plus ambitieux de la part du duo Harel-Poelvoorde que cette cartographie datée et bon marché.
Heureusement, Le Vélo… prend un autre tour à mesure que son héros découvre les grandeurs et les décadences des amateurs de la petite reine. Cycliste médiocre, Ghislain Lambert ne supporte pas l’humilité de ce sport où il faut parfois savoir s’effacer pour faire gagner le leader de l’équipe. Philipe Harel suit alors la carrière emplie d’humiliations d’un coureur dont l’ambition et l’ego trop fort le conduisent à se doper et à tricher. Mine de rien et sur un ton plutôt léger, Le Vélo… fait aussi le portrait d’un certain cyclisme vu des coulisses. Les situations se mettent en place de manière moins convenue, le rôle de José Garcia, truculent frère-entraîneur de Ghislain, s’étoffe et le film trouve enfin le ton tragi-comique qui le sauve de la simple pochade. Harel nous gratifie même d’une très belle scène, l’échappée en solitaire de Ghislain dans le brouillard lors du Tour de France, dont l’ambiance quasi mystique parvient à retranscrire l’étrange exaltation qui nourrit la motivation sans faille des coureurs. Mais dans son ensemble, Le Vélo… est tout entier dévolu au comique de Poelvoorde sur lequel tout repose et qui, à force de lourdes mimiques, n’est pas loin d’en faire un peu trop. Plus de finesse n’aurait pas nui à l’ensemble de l’entreprise…