On aurait adoré détester ce film, par pure jalousie, car voir Shu Qi passer des mains de Hou Hsiao-hsien à celles de Luc Besson (producteur du film) fait mal au coeur du cinéphile transi d’amour pour elle depuis Millenium mambo D’autant plus que le golden boy a demandé à cette actrice, capable d’une variété d’expression sidérante, guère plus que ce qu’elle fait depuis des années dans des panouilles locales, l’adorable idiote. On aurait pu espérer que l’internationalisation de sa carrière rimerait avec diversification. Sauf qu’il ne faut pas rêver avec les studios Besson. On attendait tellement rien du Transporteur, que, mis à par cette jalousie forcément mal placée, on est agréablement surpris que ce ne soit pas, en plus, une daube.
Reconnaissons que Jason Statham a de la prestance et une présence forgée dans la rue, qui le place à égalité avec le Vin Diesel de XXX. Avouons aussi que Luc Besson a eu raison de laisser plus de liberté au chorégraphe Hong-kongais Corey Yuen, après Le Baiser mortel du dragon dont les séquences de combat ont été torpillées par la mise en scène. Pour Le Transporteur, Corey Yuen a orchestré des ballets ludiques et jamais trop brutaux, digne des meilleurs films de Hong Kong. Son imagination débordante transforme l’élément de décor le plus inattendu en une arme. Les autres moments de baston sont tout aussi réussis parce que les moyens et le rythme sont là. La séquence d’ouverture, une poursuite en BMW qui met à sac la ville de Nice, nous cale bien au fond du siège et bat largement le meilleur de Taxi. Cartoonesque et montée avec brio, c’est un modèle d’action. Après ce démarrage pied au plancher, le film présente le personnage du transporteur, Franck, chauffeur à tout faire qui s’est fixé des règles de samouraï : pas de noms, pas de questions, pas d’émotion. Mais dès qu’il ouvre le sac dans lequel est ligotée Shu Qi, on sait qu’il ne pourra pas rester de marbre.
Tout le reste se devine et se déroule sans accroc : une complicité naît, mais les méchants-pas-contents harcèlent le duo à coup de bazooka. Franck se met à poser des questions à son adorable intruse et c’est là que ça dérape pour lui. Et pour le film. Car, si Luc Besson est devenu un vrai producteur malin, il persiste à se croire scénariste, à vouloir tricoter une histoire avec un minimum de social et de personnages, tout en s’emmêlant les crayons. Le trio à la mise en scène (Corey Yuen, Louis Letterrier et Luc besson derrière) fait aussi n’importe quoi dès qu’il faut aborder la romance. Alors le troisième degré devient le dernier refuge du film et finalement, à l’instar des séries B de Hong Kong, il s’y sent bien. Shu Qi se lâche, retournant les situations sourire en coin, sans même sembler les comprendre. On était prêt à traiter ce petit produit Besson comme un bon gadget fun, jusqu’aux dernières secondes, où des clandestins chinois sont accueillis à bras ouvert par des gendarmes super sympas (une première chez Besson, mais c’est pour l’image de la France à l’étranger). Sauf que la moitié va repartir à coup de pied au cul et l’autre manifestera pour avoir des papiers, mais ça, c’est une histoire trop compliquée à raconter.