La gueule d’Ed Harris sur le corps de Vin Diesel. Curieux mutant que ce Jason Statham, petit kickboxer à tonsure qui traverse ses films comme une star des « X-Games » perdue dans GTA. Il faut le voir, dans ce Transporteur, poursuivre une Audi R8 en bi-cross, grimper sur les camions, couper par les immeubles, glisser sur les rampes d’escaliers, surfer à travers la pièce pour atterrir, on ne sait comment, dans les dents du conducteur. Du coup de tatanne au dérapage contrôlé, Jason Statham, c’est un acteur auto-propulsé, un corps de cinéma né pour traverser le champ. Presque un toon. Dans le meilleur des cas, ce rapport ludique à l’action synthétise de monstrueux objets conceptuels (Hypertension), au pire il troue l’emballage vulgos d’actionner pour djeun’s. Qui a dit Le Transporteur III ?
Après avoir épicé un petit film de casse (Braquage à l’anglaise) et ressuscité les 80’s (La Course à la mort), notre cockney stéroïdé termine donc l’année dans le costard de Franck Martin. Unetroisième livraison assurée en mode autopilot, selon un cahier des charges typiquement bessonnien :
1- argument « humanitaire » (l’écologie c’est cool)
2- un réal sous speed (Mégaton, à deux doigts de l’overdose)
3- une cagol jetable (rouquine cette fois).
Au-delà de son indigence crasse, la saga Transporteur a pour elle de ne s’embarrasser de rien. Ni script, ni cohérence, ni personnage, c’est du cinéma sous vide, fièrement campé dans sa gol attitude, qui racole son spectateur avec une divine inconséquence. Il s’en dégage une drôle d’énergie, un plaisir foutraque à filmer n’importe quoi n’importe comment, à écrire les séquences les plus connes possibles puis essayer de les sauver (le strip-tease, le climax). Et Statham oblige, quelque chose passe, un principe récréatif qui pourrait ouvrir sur d’autres horizons. Hélas, Olivier « Mégatonne » (le garçon est né vingt ans après Hiroshima, wesh) passe tout au crible de ses filtres, nous mitraille les rétines à coup de flashs et de cuts, sans jamais atteindre à autre chose qu’une confortable vulgarité. Le Transporteur III n’est pas Hypertension, encore moins Wanted, il refuse de mettre son système formel en crise, d’ouvrir franchement les vannes, de s’abandonner à une logique exponentielle au risque de s’abîmer. Pied au plancher, l’autre sur le frein : encore un bolide putassier.