Une ferme au fin fond du Limousin, par une journée caniculaire. David, 15 ans, participe avec son oncle Jacques aux préparatifs d’un méchoui réunissant tout le hameau. Bientôt désoeuvré, il déambule -du rap à fond dans les oreilles- parmi une poignée de paysans, aussi rudes que joviaux. Une fois le repas entamé, David est autorisé à boire du vin, et prend sa première cuite.
Damien Odoul inscrit son film sous le signe de la poésie rimbaldienne : l’ivresse de David, électron libre au sein d’une communauté d’hommes empesés dans le travail et l’isolement, devient une course à travers champs, un effort rebelle et désespéré pour communier avec le monde. La ferme, espace clos et pauvre, réunit des personnages rustiques et poétiques, autant de « pères » virtuels que Damien refuse, le sien étant parti. Le méchoui et l’alcool sont un rite de passage, la fête a pour but d’intégrer David au monde des hommes qu’il va fuir. Enivré sous un soleil de plomb, il fend l’air, s’embusque dans les bois (tel les « peaux-rouges » du Bateau ivre), et se roule dans la boue. Damien Odoul a su capter la torpeur et l’intensité de cette échappée poétique, bientôt gagnée par une tension tragique. Le récit, heurté et trébuchant comme son héros, parvient à extraire le film du réalisme, à le dépouiller de toutes observations psychologiques ou sociologiques. On ressent la fièvre de David, enfermé dans son corps d’adolescent, en proie à toutes les poussées de sève. Le jeu instinctif et survolté de Pierre Louis Bonnet Blanc, confère au film une grande tension physique, qui nous fait pressentir le danger qui guette.
Damien Odoul pratique un cinéma d’une forme dense et libre, dont la dramaturgie ne repose pas sur des événements précis, mais innerve progressivement le film. Les acteurs (des non-professionnels) occupent la scène avec beaucoup de présence et de naturel, et sont à la fois drôles et tragiques, admirables de spontanéité. Seul regret : ce noir et blanc un peu frustrant. Mais, Le Souffle est un film virulent, inspiré, intègre. Un film en liberté -un « tableau fugueur » comme le dit son auteur- qu’il est bon de voir prendre ainsi la tangente.