Un pied de nez fortuit (ou pas) fait débarquer en salles le nouveau long-métrage de Jiang Wen une semaine à peine après que le très poli Zhang Yimou ait réglé la mise en scène de la cérémonie d’ouverture des J.O. pékinois. De Jiang Wen, on n’avait plus de nouvelles depuis quelques années, et pour cause : pour avoir tourné Les Démons à ma porte (2000), fable un peu caoutchouteuse mais indéniablement brillante et récompensée à Cannes d’un Grand Prix, le cinéaste a récolté sept ans d’interdiction de filmer, comme ça, paf. Sympa les Chinois.
Sous le lyrisme charnu et noir et blanc des Démons à ma porte, on sentait aisément l’appétence de Wen Jiang pour la surcharge et la boursouflure. Confirmation avec Le Soleil se lève aussi, un peu pudding, en couleurs cette fois, où nous accueille un casting un rien mercenaire : de Jiang Wen himself à Jaycee Chan, le fils de Jackie, en passant par Anthony Wong (dernièrement le deuxième méchant de La Momie 3), ou encore Joan Chen, réalisatrice à ses heures à la poursuite d’une carrière intercontinentale qui l’amène enfin du côté de l’auteurisme orientale (elle figure dans le prochain Jia Zhang-ke), et qui restera surtout, à jamais, la belle et mystérieuse Josie Packard de Twin Peaks. Ici, elle incarne un médecin nymphomane, nue sous la blouse blanche, et fait partie d’une grappe de personnages qui transitent entre quatre histoires réunies par l’humeur du conte à travers plusieurs époques.
On se demande un peu où veut en venir le cinéaste avec ses histoires, de la villageoise qui devient maboule et grimpe aux arbres à cause d’une paire de chaussons, à l’universitaire envoyé à la campagne et cocu. Mais on n’a pas beaucoup le loisir d’y songer tant la mise en scène nous assomme. Montage super choucroute et surcharge décorative redoublent une effusion narrative déjà du genre pesante. C’est tout le problème d’un cinéma d’imagerie, envisagé dans sa productivité, qui au fond pèche par là où il veut séduire : conçu comme une fontaine d’images – pas forcément moches d’ailleurs, Wen Jiang n’étant pas manchot, mais souvent un peu baveuses -, Le Soleil se lève aussi s’y noie.