Il faudra bien un jour décerner une palme à Daniel Prévost, lui inventer un prix sur mesure, du genre « Prix spécial du Jury en hommage à l’acteur qui nous étonne le plus, en regard de sa carrière et de ses pitreries coutumières ». Car Prévost, il faut bien l’avouer, c’est un peu ça : une filmographie jusqu’ici peu reluisante, une image de comique excessif, pantin des émissions TV qui en avaient fait un de leurs chouchous… Et puis Prévost a eu, ici et là, des interventions remarquées, courageuses même, notamment sur l’Algérie, sur les immigrés maghrébins, allant jusqu’à émouvoir des plateaux entiers de télévision. On attendait l’humoriste parfois lourdingue, on découvrait un homme juste et touchant.
Restait à assister à l’éclosion totale de cette attachante facette de sa personnalité sur le grand écran. Avec le Jean du Soleil…, c’est maintenant chose faite. Il est peu de dire que Prévost porte le premier film d’Eric Le Roch, il en est même, d’une certaine manière, le principal sujet, la matière centrale. On regrette vite que le réalisateur ne se soit pas, dans cet agréable et modeste récit d’initiation, concentré totalement sur le comédien, préférant lui adjoindre un alter ego beaucoup plus artificiel, un bon samaritain énervant, magicien et défenseur de la chaleur humaine, propagandiste des petits plaisirs quotidiens. Les discussions entre cet ange, Antoine, et l’irascible Jean, lourdes d’enseignement philosophique de bas étage, en disent ainsi beaucoup moins qu’un simple plan sur Jean, esseulé au milieu d’une route, se baladant sur le fronton de mer de La Baule, hésitant face à son amour de jeunesse.
Daniel Prévost oscille sans cesse avec retenue et pudeur, entre l’aigreur et la nostalgie, le mépris et l’ouverture aux autres, et dessine par petites touches discrètes un personnage magnifique, torturé et exalté. Une présence bouleversante qui estompe la naïveté omniprésente.