Réputée inadaptable au cinéma à cause des moyens techniques qu’impliquait la transposition à l’écran de l’univers inédit et foisonnant crée par J.R.R. Tolkien, la trilogie du Seigneur des anneaux est longtemps restée dans le domaine public, livrée à l’imaginaire de ses nombreux fans. Saluons donc le courage de Peter Jackson, grand admirateur de l’oeuvre du maître, qui réussit à persuader les studios hollywoodiens que l’heure était venue et la technologie enfin prête pour donner honorablement vie aux héros des Terres du Milieu. A la base du Seigneur des anneaux version cinéma, il fallait donc qu’il y ait un véritable exploit technique et humain pour ne pas trahir les rêves et les fantasmes suscités par la véritable mythologie issue de l’esprit d’un auteur culte. Il aura ainsi fallu trois ans à Peter Jackson et son équipe pour rédiger le seul scénario de la trilogie ! On imagine ensuite le travail des techniciens et la logistique hors norme pour organiser le passage de l’écrit à l’écran et figurer concrètement les délires fantasmagoriques de Tolkien. Au final, force est de reconnaître que le film de Peter Jackson remplit bien ses objectifs de départ -adapter le plus fidèlement possible la fameuse trilogie- même si on attendait forcément plus d’audace de la part du réalisateur de Braindead ou Bad Taste.
Après un début assez indigeste pour les néophytes, au cours duquel nous est conté l’itinéraire de l’anneau aux mystérieux pouvoirs jusqu’au moment où il tombe entre les mains du Hobbit Bilbon Saquet (I.Holme), le cinéaste retrace dans La Communauté de l’anneau les aventures de son nouveau propriétaire, Frodon Saquet (E.Wood), chargé de protéger le précieux objet des forces du mal dorénavant en éveil. Très descriptif, comme son équivalent littéraire, ce premier volet de la trilogie pâtit de la nécessaire présentation aux spectateurs d’un univers touffu et dense, peuplé d’hommes, de Hobbits, d’Elfes, de Nains et de monstres en tous genres. Pourtant, ce qui frappe d’abord dans le film, c’est l’étonnante fluidité du récit composé par Peter Jackson qui évite après son prologue de noyer le spectateur sous le flot d’informations. Le cinéaste ne se contente donc pas d’aligner les superbes paysages et les décors saisissants (conçus avec la crème des effets virtuels), il réussit en plus à composer quelques très belles scènes d’action (le passage dans les mines) et de fantaisie (le séjour chez les Elfes). Celles-ci sont malheureusement trop rares dans cette épopée de presque trois heures. Grande oubliée de ce premier épisode, la mise en scène semble se borner à mettre en place la saga à venir, à en souligner l’ampleur, sans oser dépasser le cadre de la simple illustration. Plutôt basique, voire fonctionnelle, la réalisation n’est donc pas à la hauteur de l’effort de réflexion à l’oeuvre dans ce grand projet. Ici réduit à la fonction d’organisateur virtuose, Peter Jackson a pourtant démontré par le passé qu’il était aussi un cinéaste doué. On attend alors avec impatience la suite de l’équipée de Frodon et son fidèle ami Sam, pour que le cinéaste, libéré des contraintes de l’introduction, entre enfin dans le vif du sujet…