Le pitch : un gamin renfermé essuie les brimades du monde extérieur : corvées de poubelles, sermons de parents miséreux, moqueries de ses camarades de classe. Débarque alors une nouvelle voisine, garçon manqué qui grimpe aux arbres et cours plus vite que tout le monde. Marginale elle aussi, mais dans l’autre sens : ses parents n’ont pas de problèmes de fric, mais ils écrivent dans leur coin. Le duo ne se quitte plus. Derrière le jardin, ils découvrent leur royaume de jeu, une sorte de terrain vague verdoyant. Ce sera Terabithia, pays imaginaire peuplé de géants et de créatures mutantes dont ils prennent peu à peu le pouvoir. Jusqu’au jour où la copine se noie, emportée par une rivière en crue.
Alors que le cinéma pour enfants se repaît d’univers visuels survitaminés, Le Secret de Terabithia apparaît comme une sorte de formule anti-poison. Antidote puissant alors ? Non, antidote violent, contrariant, parfois pénible car fragile, toujours au bord de la rupture entre réalisme et onirisme. Le film de Gabor Csupo démarre à la manière d’un conte de Dickens puis se nimbe dans une atmosphère mortifère, passablement glauque. Le réel y est volontairement détourné, le rêve pris sans détour pour ce qu’il est : un confinement faussement douillet, assez vain, un refoulement nécessaire qui appelle à la survie plus qu’à la jouissance béate.
Confronter le spectateur à la mort, obsession enfantine constamment détournée par le cinéma de jeunesse, il fallait oser. Démarche logique, au fond. Le film n’a de cesse de déconstruire ou retourner ce qu’il fait laborieusement assimiler. Ne pas y voir de faiblesse, au contraire : Le Secret de Terabithia ne vaut que pour sa valeur documentaire, cette captation sensible de la fragilité du rêve. A peine admet-on de basculer dans Harry Potter que le cauchemar pointe, quand ce n’est pas le quotidien qui reprend ses droits : retourner à l’école, affronter les terreurs des salles de classe, supporter la misère et la promiscuité familiale.
Pour autant, le film ne piétine pas, il reste un conte initiatique profondément humaniste : on y sonde la violence des comportements, on punit, on pardonne, comme à cette horrible ado, humiliée perfidement par les deux héros puis intégrée à Terabithia en ogresse pacifiste. La mise en scène tient la corde : elle retourne subtilement les codes esthétiques (le décor, une cambrousse humide et cabossée de type Stephen King), son classicisme jugule sans cesse le lyrisme du genre. Même le casting est au diapason. Aux antipodes d’un Macaulay Culkin, le héros a le regard inquiet et vitreux d’un Laurent Fournier. Son père, d’ailleurs, est joué par Robert Patrick, alias T-1000 de Terminator 2. Autant dire que la tendresse n’est pas immédiate.