L’imaginaire enfantin a la côte. Après Tideland de Terry Gilliam, voici la version light signée Peter Cattaneo découvert avec The Full monty. Un enfant s’invente des compagnons de jeu imaginaires dont l’omniprésence insupporte sa famille. Le père décide alors d’entrer dans le délire de sa fille et propose aux fictifs Pobby et Dingan de visiter sa parcelle minière où il rêve de débusquer des opales. A son retour, la gamine ne sent plus ses amis dans l’air ambiant et se laisse mourir, entraînant sa famille dans une spirale tragico-onirique. En simulant une fouille active, le père est taxé de voleur, et le fiston lance des avis de recherche à travers la communauté de mineurs.
Difficile de faire pire que Peter Cattaneo dont le film semble n’avoir aucune chance d’exister. Le Secret de Kelly Anne a quelque chose du film à thèse, d’une récitation apprise par coeur, tué dans l’oeuf par le principe même d’une narration implacablement mécanique. En choisissant le point de vue choral, le film se voit obliger de rester sans cesse en retrait, réduit à une illustration gentillette : le père fait ceci, la mère dit cela, le fiston encore autre chose puis on recommence, le tout formant un gentil manège tournant dans le vide. Il y a aussi le désir de métaphore, extrêmement déprimant parce essentiel tant le film ne construit rien visuellement du sujet.
Des délires naïfs et aveugles de Kelly Anne, Cattaneo substitue un décorum codifié et pittoresque en forme de justification psy : le père cherche désespérément des opales dans un décor lunaire au point de mettre sa famille sur la paille, le fils coince une carte à jouer sur la roue arrière de son bicross pour simuler le vrombissement d’une moto, on en passe et des meilleurs. Rien d’étonnant que tout se termine en grand conte de fée socio-bucolique autour d’un tribunal où le bon sens populaire l’emporte sur la barbarie congénitale. Voila ce que nous dit Le Secret Kelly Anne au bout d’une longue et soporifique heure et 26 minutes : même disséqué par la justice, le pur et naïf rêve est reconnu par les bonnes âmes, il soude les peuples par le coeur. Patrick Sébastien n’aurait pas fait mieux.