Faire des films en France dans le circuit commercial est-il devenu si difficile ? Après Vecchiali il y a quelques temps (A vot’ bon coeur), c’est au tour de Moullet de mettre en scène sa difficulté à financer ses projets. Dans ce Prestige de la mort, Moullet se filme donc en cinéaste qui tente de faire croire à sa mort pour faire parler de lui et ainsi trouver de l’argent pour son prochain film. Ainsi, il prend la place d’un mort rencontré dans la montagne. Evidemment tout va déraper, le film enchaînant une séries de saynètes plus ou moins absurdes.
On dira que tout cela sent la petite cuisine personnelle qui n’intéresse personne sinon Luc Moullet lui-même et quelques-uns de ses proches. Ce serait oublier un peu vite que tout un pan de son cinéma n’a eu de cesse de mettre en scène cette petite cuisine et le corps de son auteur, sans jamais se départir de malice et d’un certain talent pour une sorte de burlesque déflationniste. Il y a toujours eu quelque chose de déroutant dans les films de Moullet qui tient à la nature même du comique qui met en scène des situations et des personnages auxquels il ne reste que l’os du comique, qui ont invariablement quelque chose de décharné, voire même d’un peu pitoyable. Il n’est pas rare devant ce Prestige de la mort qu’on se demande si l’on rit parce qu’on est arrivé à un tel degré de désinvolture formelle et que le film devient, par son indigence, un objet décalé et donc intéressant, ou bien si les effets « pauvres » de Moullet sont parfaitement maîtrisés (et donc font rire à bon escient). Sans doute y a-t-il plus vraisemblablement un mélange de maîtrise et de j’menfoutisme, le film penchant malheureusement plus souvent du mauvais côté que du bon, alors que Moullet nous avait habitué à un juste équilibre, qu’on se souvienne seulement des Brigitte et Brigitte et autres Anatomie d’un rapport.
Certains gags ne sont jamais exploités comme ils devraient l’être (on dira même jamais mis en scène), tel celui du pantalon coloré que Moullet pique au mort et qui risque à un moment de le confondre. D’autres passent avec beaucoup d’élégance. Quand, par exemple, Moullet détruit une partie de la cabine téléphonique : le fait de ne pas insister dessus, de ne pas lui donner une importance particulière par un effet de cadre, est précisément ce qui rend le gag ténu et finalement assez génial. Difficile de savoir si notre connaissance de Moullet nous fait nous méfier comme de la peste du « mal fait » et d’un apparent n’importe quoi ou s’il y a plus majoritairement à l’oeuvre un dilettantisme devenu au fil des ans un peu rance. De même les gags locaux (« France d’oeuf » pour France 2) et autres private jokes qui émaillent le film risquent en permanence de faire tomber Le Prestige de la mort dans les règlements de comptes stériles et anecdotiques. Mais Moullet ne s’épargne pas, si bien qu’il évite la complaisance à laquelle n’échappait hélas pas toujours Vecchiali. La complainte narcissique se double systématiquement, ici, d’une dérision vacharde à son propre endroit. A ce titre le film se tient droit dans ses bottes. Très mineur certes, mais droit.