Dans la galaxie sans bord du cinéma médiocre français, Rémi Bezançon fait figure d’auteur. Du moins il fonctionne comme tel : de Ma vie en l’air, son premier long métrage, au film qui nous occupe aujourd’hui, transite sans conteste une signature. C’est une expérience à faire : entrer dans la salle de projection sans jeter un oeil au dossier de presse, regarder ce film en se disant qu’on a déjà vu ça quelque part, cette manière de raconter, de filmer. Pour qui se souvient vaguement de Ma vie en l’air, si cela est possible, Le Premier jour du reste de ta vie sonne comme un rappel : on y retrouve, entre tics télés et tocs cinés, un certain style. Un peu cheap, sous-wes-andersonien à l’occasion, fait de saynètes et d’idées rigolotes. Du cinéma en contre-plaqué, qui sonne creux comme les cloisons séparant certains films d’un spot de pub pour la vie sympa. Du sur-mesure pour Vincent Elbaz, incarnation parfaite de ce cinéma trentenaire, gentil et vide – d’ailleurs, de Ma vie en l’air, il était le héros.
Remi Bezançon est un auteur, allez, c’est entendu. Auteur de quoi ? D’un film, Le Premier jour du reste de ta vie, qui raconte l’histoire d’une famille : papa (chauffeur de taxi, grand fumeur, vivant dans l’ombre d’un père qui l’a toujours rabaissé), maman (qui se désole de vieillir, se laisse tenter par une aventure d’un soir, fume un pétard), et les trois enfants, avec chacun leurs problèmes : un fils qui s’embourgeoise vite, un autre qui se cherche, une fille qui étouffe dans le pavillon. C’est un film d’époque, qui traverse les années 80, 90 : il y a donc de la musique d’époque, partout, sur chaque scène. C’est insupportable, cette playlist programmée qui redouble l’affect nostalgique censé draguer un public trentenaire, qu’on invite à s’identifier. Il n’y a que dans ce genre de film qu’on entend des dialogues tels que celui-ci :
– La mère, au petit-déjeuner : « Enfin ma puce, ton jean est tout déchiré, tu ne vas quand même pas aller au lycée comme ça ! ».
– La fille, levant les yeux aux ciel : « mais mamaaannnn, tu comprends rien, c’est grunge ! ».
Le labeur déployé pour faire époque se réduit volontiers à de tels effets atteignant un au-delà de la tautologie par où le temps qui passe (qui est a priori un peu le sujet du film) précisément ne passe plus. On est aussi dans un cinéma où les jeunes semblent sortir d’une publicité pour une banque (bougez avec la poste, ce genre de choses). Où l’on sent, une fraction de seconde avant que les comédiens disent leur réplique, qu’ils vont dire leur réplique. Un cinéma en toc, une famille composée, un style d’auteur en carton.