Premier film d’Eric Caravaca, et on dira : film d’acteur, avec ce que cela signifie de précautions et de curiosité, de doute aussi. Le Passager, grand prix du festival de Belfort 2005, frappe immédiatement par la parenté qu’entretient son pitch avec un autre film, oú Eric Caravaca justement figurait au générique, Son frère, de Patrice Chéreau : ici aussi, un frère disparait, mais il est mort au tout début du film. Thomas, son frère, se rend à Marseille pour identifier le corps et autoriser l’inhumation. Mais quelque chose le retient, lui itime l’ordre de suspendre la mise en terre, comme pour se donner le temps de mieux connaitre le disparu. Armé de maigres indices, il se rend aux Saintes-Maries-de-la-mer pour rencontrer une famille que son frère s’est choisi, et qui d’une certaine manière est aussi la sienne, un peu.
Film de famille, donc, et film d’acteur. Film de famille d’acteurs plutôt, où se laissent effeuiller un à un les thèmes, tics et poncifs d’un certain cinéma français dont Patrice Chéreau, on y revient, est une des figures de proue. La recherche de la sensibilité et le faux-calme qui sont les siens, Le Passager les doit sans doute a ce cinéma-là, a ses prétendues vertues qui au fil des ans, apres avoir bluffé parfois dans les années 90, se sont naturellement étiolées. C’est moins ce que raconte Le passager -une histoire déjà vue un bon million de fois, certes, de secret familial- qui ennuie, que les outils qu’il s’est choisi : déplacement de la fiction sur un territoire abrupt (ici les Saintes-Maries-de-la-mer), acteurs dont tous les coups sont prévisibles (Julie Depardieu, Eric Caravaca lui-meme, les deux Maurice préférés du cinéma d’auteur français : Garrel & Bénichou,), plages de récit taiseuses et ne voulant jouer que sur des sensations, attention fébrile aux états du corps, crise de nerf qui guette, etc. Et puis cette grossière erreur qu : une narration qui monte vers sa résolution et se laisse polluer par des flashs-back qui devraient faire mystère et au lieu de quoi, par leur schématisme et leur lourdeur, éventent le film entier et rendent la révélation encore plus archi attendue. Sans doute faut-il accorder à Éric Caravaca une autre chance, car la sincérité ne lui fait pas défaut, attendre qu’il murisse son désir de mise en scène, mais il lui faudra affirmer nettement celui-ci, faire mieux que ce cinéma bipolaire : un thème (la famille), des acteurs (une famille).