Lorsque Cage vient cachetonner dans une série B, tout peut arriver : le meilleur (Hell driver 3D) comme le pire (Ghost rider). Encore, dans ce dernier, comme dans quelques autres nanars dynamiteurs de même farine, son zèle sternocléidomastoïdien et ses regards exorbités sauvaient l’ensemble du naufrage, insufflant la fièvre expressionniste que Herzog poussa à son comble dans Bad lieutenant, escale à la Nouvelle Orléans. Mauvaise pioche avec ce Pacte : Cage et le film ne sont pas faits l’un pour l’autre. Pas assez sale et décontracté pour que l’acteur y libère sa bizarrerie, mais pas assez audacieux non plus pour qu’il s’implique pleinement dans son rôle, le film mise tout sur un canevas de thriller plutôt osé, mais timidement exploité.
La charpente de l’intrigue, ultraclassique – victime d’un complot vertigineux, un bouc émissaire sauve sa peau sans savoir à qui se fier : c’est vieux comme La Mort aux trousses – caresse une ambition tout aussi scolaire, mais intéressante : transformer progressivement le manipulé en manipulateur. Défi ardu, d’autant que le pantin part cette fois avec mille handicaps : prof de lettres dans un lycée difficile de la Nouvelle-Orléans (amusant, d’ailleurs, de voir Cage dans la chemise d’un étrange Bégaudeau à barbiche), notre héros incarne la non-violence et le civisme, même à la suite du viol de sa petite copine. Mais les circonstances (un mystérieux consortium de l’ombre, prétendument destiné à promouvoir une justice parallèle, l’utilise pour liquider un journaliste d’investigation trop fouineur) vont le forcer de toute part à convoquer ses pulsions enfouies : excellente occasion pour Cage de dérailler subitement, de jouer une carte Jekyll / Hyde qu’on sait parfaitement maitrisée chez lui. Seulement voilà, désespérément imperturbable, il n’en profite que rarement, et se contente des moues graves ou écarquillées du petit quidam dépassé par les aléas de la machination à échelle nationale. En service minimum là où il faudrait en faire des tonnes, ses yeux bleus traditionnellement embrasés se retrouvent comme subitement vidés de leur substance.
Difficile donc d’avaler les invraisemblances sans broncher, puisque celles-ci ne sont ni compensées par une distance comique, ni par quelque surenchère qui viendrait secouer l’ensemble à la nitroglycérine. En plus de gâter son esthétique, plutôt pondérée au début, en puisant dans des banques d’effets standardisés, Le Pacte se persuade que son McGuffin a suffisamment d’attrait pour gonfler les enjeux de l’action, alors que les coups de théâtre qui prolifèrent autour de cette société secrète manquent cruellement de finesse (on est régulièrement prié de s’abasourdir face à des révélations – « sacrebleu, lui aussi ! » – suscitées par un mot de passe un peu tarte). L’évolution morale de l’antihéros, et l’éventuelle parenthèse sociale ouverte par la mise à l’épreuve de ses principes ne prennent pas plus d’ampleur – ce qui invite à se demander pourquoi on se sent encore obligé, à Hollywood, de donner des airs d’intelligence à des thrillers qui ne réclament pas autre chose que de l’urgence.