L’enfant est le plus prévisible des spectateurs de cinéma. Un monstre velu, un chien bien dressé et une petite crétine suffisent à son bonheur. Et Le Grinch, promu blockbuster de Noël, en profite outre mesure. Conte d’hiver régi par le laid et le difforme, le film de Ron Howard narre les aventures des habitants de Chouville (Whoville en VO), dont le visage se situe à mi-chemin entre le rat et l’humain. Mis au ban de cette société perdue dans une vallée imaginaire, le Grinch (Jim Carrey) est une créature au physique encore plus ingrat que ses congénères. Mais derrière son hostilité et son aigreur se cache une sensibilité que la jeune Cindy-Lou va tenter de révéler au grand jour…
Adapté d’une nouvelle du célèbre Dr Seuss (scénariste des 5 000 doigts du docteur T et auteur de nombreux livres pour bambins), Le Grinch échoue à donner un écho visuel au monde fantasque de l’écrivain. En l’absence d’une dimension véritablement cartoonesque (une précédente version existe d’ailleurs sous la forme d’un dessin animé de Chuck Jones), le film plonge dès ses premières images dans le piège du factice et du vulgaire. Décor en plastique clinquant (du genre Habitat chez les Schtroumpfs), latex grossier pour grimer l’ensemble de la populace, voix-off aux rimes débilitantes (dans la VF en tout cas) : voilà pour le factice. Quant au vulgaire, il se voit amplement garanti par la seule performance de Jim Carrey. Profitant de son costume pour exacerber le moindre de ses gestes, l’acteur se complaît dans le déhanchement animal, le rot ou encore la bave aux lèvres à l’approche d’une bonne paire de miches. Le spectacle pour enfants ressemble alors à une grande parade de mauvais clowns, à un show agressif où quelques pantins grotesques se déchaînent tant qu’ils peuvent afin de récolter l’adhésion de gamins plus effrayés qu’amusés. Autrefois réalisateur de comédies certes légères mais plutôt revigorantes (dont le mémorable Portrait craché d’une famille modèle), Ron Howard est devenu avec Le Grinch le chantre de l’abomination régressive.