La reprise du Grand Alibi d’Hitchcock vaut le détour aussi bien pour Marlène Diétrich, et pour Jane Wyman, que pour son sujet shakespearien du « théâtre de la vie », revu avec la verve du réalisateur (cynisme de l’acteur Alastair Sim, humour des situations et suspense). C’est aussi un scénario très habile écrit par Whitfried Cook d’après deux nouvelles de Selwyn Jepson : Man Runing et Outrun the Constable. Accusé du meurtre du mari de la comédienne et chanteuse Charlotte Inwood (Marlene Dietrich), Jonathan Cooper (Richard Todd), épris de cette dernière, est traqué par la police. Il se réfugie chez son amie d’enfance, étudiante en théâtre, Eve Gill (Jane Wyman). Elle mènera sa propre enquête et devra plus que jamais utiliser ses dons de comédienne face à sa rivale de renom. Réalisé entre Les Amants du Capricorne (1949) et L’Inconnu du Nord Express (1951), Le Grand Alibi se démarque assez des autres films d’Hitchcock dans la mesure où il pousse ici la dérision au détriment du suspense et renoue avec l’esprit d’un des films de sa période anglaise : Une Femme disparaît (1938). Les deux films partagent une autre particularité : la relation avec le théâtre. En effet, dans la séquence du train d’Une Femme disparaît, notre regard circule, de compartiment en compartiment, croisant, comme son héroïne, des personnages insolites et des situations rocambolesques. Le train représente ainsi, d’une certaine manière, un huis clos théâtral. Le Grand Alibi fonctionne de même comme une pièce de théâtre vivante, renforcée par le personnage d’Eve Gill, obligé de jouer plusieurs rôles pour résoudre l’enquête.
Le Grand Alibi est d’autant plus amusant qu’il met également en dérision le mythe Marlène Dietrich qui cabotine à merveille, et désacralise ainsi son personnage de femme fatale. Jane Wyman, tout aussi remarquable, offre au film sa candeur de jeune fille. Les obstacles qu’elle affronte, pour parvenir à sa maturité de femme, sont ses propres sentiments et sa rivale. Dans cette confrontation, Jane Wyman apparaît délicieuse et adorable. Elle prête sa jolie frimousse et sa fondante voix, et contamine de sa pure gentillesse et de sa douce présence les personnages du Grand Alibi. Le spectateur sort de la salle avec une plume dans le cœur tellement sa légèreté l’aura porté.
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