Pascal Bonitzer se cherche encore. Ce n’est pas lui faire injure que de dire que ce brillant théoricien du cinéma a jusqu’à présent du mal à trouver « son » cinéma, une identité forte, un tempérament. Sinon via le détour par la psychanalyse, tant ses films en sont trempés. Après une poignée de films, un autre emprunt vient comme pour faire une pause, et peut-être relancer la machine. Le Grand alibi est en effet une adaptation d’Agatha Christie, filon décidément bien juteux si l’on s’en réfère aux deux derniers films de Pascal Thomas (Mon Petit doigt m’a dit et L’Heure zéro) qui de la même manière jouaient la double carte de la récréation et de l’exercice de style. Le Grand alibi, c’est aussi, bien sûr, le titre VF d’un Hitchcock des années 40 avec Dietrich (Stage fright). Voilà, tout est posé : Agatha Christie, le côté broderie anglaise et service à thé, la psychanalyse, la quête de la désuétude, la récré stylé, l’ombre hitchcockienne. C’est peu dire que le film laisse sur sa faim, semble vain et peine à remplir ce qui paraît a priori être son unique et modeste dessein, être un divertissement sans ambition particulière. Rien de grave, bien sûr, et il n’est pas interdit de prendre un petit peu de plaisir ici, par la grâce de tel ou tel détail (voir par exemple et par deux fois, le délicat Alain Libolt au détour d’un plan). Mais, comme souvent en pareil cas, le film pèche précisément là, sur le « sans ambition particulière ».
Ce Cluedo se joue à plusieurs, une grappe de personnages dont on peine beaucoup à déchiffrer les interactions (luxe des personnages complètement inutiles, esquissés en trois touches) : un séducteur, son épouse un peu cruche, sa maîtresse lucide, son ancien amour revenu d’Italie, des châtelains, un écrivain raté (Mathieu Demy, bien), etc. La mise en scène tente vainement de prendre des couleurs, tandis que sur le registre de la description chabrolienne, le film ne convainc guère plus, limite banal. Entre whodunit et mcguffin, Bonitzer s’emmêle les pinceaux, ne sachant pas vraiment s’il faut les confondre ou non. Toutefois le film retrouve un peu de hardiesse sur sa fin, le temps d’un finale à la limite du pastiche hitchcockien, mais plutôt réussi : un peu de montage, des plans qui possèdent soudain un certain relief, un retour toujours différé de la peur. Cela suffit à peine à enlever le morceau, même s’il n’est pas interdit, encore, de se laisser bercer par la petite musique du cinéma inconséquent.