On connaît Ron Howard pour sa filmographie sans aspérité, sa diversité de bon élève, son absence de style et sa calvitie rouquine casquettée. Moins pour ses comédies ; et ceci, bien qu’il soit l’heureux producteur (peut-être son meilleur geste à ce jour) d’une des séries comiques les plus réussies que la télévision ait porté, la très regrettée Arrested development. En bon copiste, le meilleur ami de Fonzie s’évertue ici à adopter les contours les plus évidents de la comédie américaine actuelle. Il emprunte aux meilleurs, ici un ton, là une structure, avec l’application d’un étudiant.
La première partie prend avec un certain bonheur les formes balisées de la comédie Stillerienne (Ben de son prénom), où un énergumène moderne moyen est soudainement pris dans une toile d’événements qui lui échappent, un tissu de malchance qu’il va compliquer obstinément, car tel est le destin du personnage comique. C’est donc une comédie d’inspiration hitchcockienne. Ronny (Vince Vaughn) aperçoit, au détour d’une fougère, la femme de son meilleur copain conter fleurette à un autre type pimpant, joli et rock & roll. Son indécision à mettre son ami et associé au parfum, tandis qu’ils sont sur le point de ramener un gros contrat à la maison, va le grignoter de l’intérieur jusqu’à ce qu’il se fâche avec la terre entière.
L’incapacité à se tirer simplement des situations, issue chez Stiller d’une sorte de maladresse autodestructrice, tissée d’actes manqués, est ici toute autre. Vince Vaughn est un gaillard sûr de lui et charismatique. S’il fout la honte à tout le monde lors d’un discours, ce n’est pas à cause d’un sérum de vérité ingéré malgré lui, mais simplement parce qu’il a une grande gueule. C’est la nouveauté du film et son atout majeur. Vaughn porte à lui seul (mises à part une ou deux improvisations absurdes de James) la radicalité et le décalage nécessaires à la comédie, s’appuyant sur sa personnalité exacerbée et son corps, inhabituellement imposant pour ce type de rôle.
Le Dilemme dérive ensuite vers une forme moins rigide, vers une volonté de s’attacher davantage aux mœurs et flirte alors avec les productions Apatow. Du reste, le film se vautre dans un genre dont ce dernier est le gourou, un genre assez nouveau mais qui se répand tel une traînée de poudre depuis I Love you, man (John Hamburg), jusqu’au Discours d’un roi : la comédie romantique d’amitié. La trame traditionnelle (amour, désamour, réconciliation finale) y est parfaitement respectée. Le film passe aussi par cette situation devenue récurrente dans la comédie américaine de ces dernières années, « l’intervention » tournée plus ou moins en dérision, où le sujet fautif se voit révéler ses travers par ses proches, en vue de les corriger. Toujours aussi caméléon, Zelig hollywoodien, Howard ne s’interdit aucun tour pour pénétrer l’univers fermé et chatoyant des comiques.
Le dilemme mollit donc petit à petit. Les rires – francs parfois – laissent place à des sourires niais puis des soulèvements de sourcils désabusés. Comme souvent, le peu fantasque Howard aplati son film, arrondit les angles, ne voit son film sauvé que par la présence débordante de Vaughn, tout en lâchage, presque bestial.