Ne vous y trompez pas en lisant la nationalité du Dernier voyage de Robert Rylands : bien que sa réalisatrice ainsi que toute l’équipe technique et la production soient espagnoles, ce film est en réalité un pur produit « British » : en langue originale anglaise, entièrement interprété par des acteurs britanniques (y compris Juan, l’Espagnol de service…), et tourné au cœur de la ville d’Oxford. La facture non plus n’a rien de latine : la cinéaste opte au contraire pour un rythme lent, de longs travellings, des couleurs chatoyantes et un accompagnement musical sobre et harmonieux, éléments qui s’inscrivent dans la droite ligne d’un certain cinéma britannique traditionnel.
On ne saurait d’ailleurs blâmer de ces options Gracia Querejeta, la réalisatrice de ce film, puisque l’évolution de son récit, qui navigue entre le drame familial et l’enquête psychologique, est parfaitement synchrone avec les choix stylistiques caractérisant cette production. Le cadre même de cette histoire -les jardins et l’Université d’Oxford- nous invitent en effet de façon presque automatique au calme et à la sérénité que nous transmettent d’emblée les premières images.
Cette affirmation ne signifie en rien que les protagonistes de cette histoire soient d’ailleurs porteurs de cette même quiétude : au début du film, le retour à Oxford de Robert Rylands, illustre professeur ayant disparu sans donner de nouvelles depuis dix ans, réveille en effet des blessures dont il ne mesure pas l’étendue. Ce vieil homme, dont le charme n’est en rien altéré par ses soixante-dix ans, découvre en effet le désarroi qu’il a laissé derrière lui en choisissant de disparaître : ainsi, la jeune Jill a élevé seule la petite fille dont il est le père, et son amant Alfred (eh oui, il est homosexuel…) ne lui a jamais pardonné son abandon. Quand Robert Rylands apprend que ce dernier est atteint d’une tumeur au cerveau incurable, il décide de donner un sens à son retour en accompagnant son ancien ami dans ses derniers jours.
Si ce résumé laisse craindre de pénibles épanchements larmoyants, Gracia Querejeta réussi cependant a éviter cet écueil et le film est teinté d’une sobriété de bon aloi. Si l’on n’échappe pas à quelques clichés -depuis le bel Espagnol séduisant et viril jusqu’à l’étudiant noir d’une intelligence supérieure, en passant par l’Indienne qui fait profiter son entourage de sa haute sagesse-, on ne tombe cependant jamais dans la caricature. Interprété avec une grande justesse par des acteurs doués d’un réel talent, c’est finalement une fresque plaisante que nous propose ce petit film espano-britannique.
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