Pour les vacances de Noël, TF1 a cassé sa tirelire. Derrière la caméra, du lourd, du très lourd pour dorer son image. Entre les parrainages de Gaz de France -toujours sur les bons coups juteux- et de la WWF, il ne restait plus qu’un super Nicolas Hulot pour fouler d’un pas politiquement correct les derniers espaces immaculés par ces salauds de pollueurs. Aventurier professionnel qui vit de best-sellers et de calendriers polaires, Nicolas Vanier en a dégoté un plus vrai que nature. A la fois un super-autochtone tout droit sorti d’un épisode de Davy Crockett et un commentateur éclairé, vulgarisateur à mort qui passera en prime comme une lettre à la poste. On l’aura compris, le Dernier trappeur, c’est lui, sa vie vaut bien un film alors pourquoi se priver.
Norman Winther va donc porter le projet à lui tout seul, tour à tour guide et témoin, acteur (c’est un documentaire romancé) et présentateur (il connaît vachement bien la faune et la flore). Une exergue à carte postale, un label 100% nature que la mise en scène tient assez sobrement, voire chichement. Vanier ne cherche pas spécialement le rendu sensitif du froid ou l’émerveillement des animaux. Même les activités de son trappeur ne l’excitent pas davantage. Norman a beau construire une cabane avec son couteau suisse, creuser des trous dans la glace ou chasser le caribou en plein blizzard, le film transforme chaque tour de force en banalité absolue. Au pire, c’est frustrant pour les passionnés du genre ; au mieux, c’est plutôt drôle, tant le film met chaque action sur le même plan, réflexe basique du Grand Nord comme mésaventure. Résultat : lorsque Winther croise un grizzli, Vanier l’enregistre comme une tracasserie sans importance. Et quand l’homme est à deux doigts d’y passer sous la glace, le film blasé à mort le regarde se réchauffer peu à peu sans jamais claquer des dents.
Pourtant, le Dernier trappeur n’en reste pas moins un film aux aguets. Vanier recadre la moindre scène ostensiblement subversive. Non, TF1 ne pousse pas Norman à tirer sur les animaux, d’ailleurs, s’il les tue, c’est en petite quantité et pour préserver l’écosystème. Alors même si Norman fait du commerce de fourrures, il respecte la nature lui, pas comme ces salauds d’industriels -hors champs bien sûr, Vanier ne dénonce pas, il vend du rêve- qui bousillent la forêt. Et c’est encore par ce pauvre Norman que passe ce calibrage, via un commentaire affligeant de niaiserie. Oui, pauvre trappeur aussi débrouillard qu’acteur nullissime, incapable de sublimer sa propre vie, prisonnier d’un discours niaiseux et d’un scénario écrit par dessus la jambe. Car TF1 reste TF1, une machine à régurgiter le réel en fiction simpliste. Alors si Norman Winther sait faire du chien de traîneau, il peut être acteur, si Vanier sait manier des caméra qui résistent au froid, il peut être cinéaste. Et si le public a regardé Vis ma vie de camionneur, il aimera Vis ma vie de trappeur.