Grosse surprise : après le désastre carnavalesque du Deuxième souffle et la virilité dégriffée de Truands, qui pensait imaginer que Le Dernier gang s’imposerait comme le thriller français le plus respectable de l’année ? Ariel Zeitoun, Bozo des années 90-2000, l’homme des Yamakasi, d’XXL ou Bimboland, plus fort qu’Alain Corneau ? Sur ce coup-là, aucun doute, les notables du métier se sont pris une mine. Pourquoi ? Pour tout. Rythme, montage, découpage, greffes hollywoodiennes, chair des personnages, narration, Le Dernier gang trace sa route, gambettes à l’air, en postiches, tongs et chaussettes. Film parfait ? N’exagérons rien. Zeitoun reste Zeitoun, indécrottable faiseur de soupe dès que l’occasion se présente, entêté dans le grotesque, dans le faux, le naze, le gros qui tâche.
Soit. Ceci posé, ces manières de pieds nickelés n’affectent pas spécialement le mythe postiche, gang fascinant pour son insouciance, voire son amateurisme caractérisé. Zeitoun filme au premier degré comme les braqueurs pètent les coffres : au marteau et burin, en pouffant comme des garnements, pendant que d’autres meurent de trouille, dégobillant sur les caissiers. La voix off inaugurale n’est qu’un leurre, Le Dernier gang est bien un film subjectif, à hauteur de petits voyous culottés, improvisant un terrain de jeux strictement organisé par la soif d’adrénaline. Belle idée qui évacue d’emblée tout écueil de reconstitution pompeuse, et plus largement de synthèse distanciée du genre. Le film cite bien Scorsese, fantasme par instants le grand oeuvre baroque multipistes (la rivalité flic-voyou à la stylisation consternante de naïveté, les années Mitterrand), mais ça ne dure pas. Le déroulé du braquage s’impose en principe avec la jouissance de l’argent facile et la fuite comme corollaires. Le coeur du mythe Postiches en somme, dont le génie du braquage portait davantage sur le canular rudimentaire, compulsif, que sur une maîtrise noble et glacée.
En découle une efficacité diabolique : les casses s’enchaînent, les actes fondateurs s’empilent dans une sorte de grand zapping malicieux. A tel point que la virtuosité ne reposera que sur le rythme. Pas le temps pour une image choc, encore moins pour un plan vicié par la frime, le film dégraisse à mesure qu’il avance. Effet pervers : à la fin de cette longue ligne droite, il n’en reste presque plus rien, les plans se digérant aussi vite qu’ils se consomment. A nuancer toutefois : un dérapage de BMW devant un arsenal de paniers à salades, une balle s’enfonçant dans le dos de Sami Bouajila (plan serré), restent en mémoire, augurant qu’un grand polar énergique français est envisageable. Et puis Elbaz, impérial en éternel branleur à belle gueule, maintient l’ensemble en éveil. A la virilité boutonneuse d’un Magimel, à la compo vieux briscard d’Auteuil, on préfère nettement sa fraîcheur cornichonne.