Un peu de querelle de chapelles : il s’est trouvé une époque où Gaël Morel, parmi d’autres, cristallisait sur ses films une mini guerre de tranchées entre les irréconciliables pourfendeurs du « jeune cinéma français nombriliste » (JCF) et leurs adversaires. Les premiers affirmant que les propositions du Jeune Cinéma Français étaient facteurs de sclérose, brimant toute la profession, nuisant à la diversité et l’approche d’autres genres ; les seconds y voyaient la fine fleur d’une nouvelle génération venant à pic pour reprendre la question des corps, des récits, là où l’ancienne s’apprêtait à la laisser. C’étaient les années 90, c’est loin, Gaël Morel tournait A toute vitesse, il avait 24 ans, en 96. Depuis, après ce que certains considéraient comme un météore, il s’était fait plus discret, sans jamais cessé de tourner, de Tu seras un homme en 2000 (jamais sorti) et un film pour Arte en 2002 (Les Chemins de l’Oued), et bien sûr quelques apparitions en tant que comédien (chez Téchiné, Bouhnik…).
La bataille étant au repos, inutile de revenir sur les affres du JCF, ses mérites et ses parfois exaspérantes exactions. Pourtant, Le Clan dit bien là où cette CTCF (« Certaine tendance du cinéma français », refrain connu) peut énerver au plus haut point. Co-écrit par le réalisateur et Christophe Honoré, le film est une sorte de portrait en triptyque dont chaque volet explore les désirs, les parcours, les destinées des membres d’une fratrie. D’abord, Marc, 22 ans, qui se cherche, joue un peu au dur, adule son frère aîné, Christophe, méprise son cadet, Olivier. Ensuite, Christophe, 26 ans, qui se cherche, sort de prison, décide de se réinsérer calmement, voire de percer dans la veine du petit cadre aux petites ambitions. Enfin, Olivier, 17 ans, qui se cherche, étouffe entre ses frères et finit par en trouver un autre, de substitution, avec lequel il découvre son homosexualité. Evidemment, tous les poncifs du mini genre sont de sortie : découverte de la sexualité pour l’un, affrontement entêté avec le monde pour l’autre, désir de normalité pour le troisième, quête d’un modèle pour tous. Morel filme cela avec un mélange de fausse candeur et de certitudes trop ressassées : grandes plages naïves et attendues (les corps des garçons luisant au soleil, s’ébrouant au ralenti dans l’eau) trouées par de molles saillies hard-rock, virilité travaillée par la féminité et la fascination émerveillée des corps, impression d’un piétinement stérile en général.