Après un biopic à l’américaine (le fadasse Gainsbourg), un dessin animé tiré de sa propre B.D. : Joann Sfar s’accroche à son rêve de muer en cinéaste. Gainsbourg effilochait ses maigres idées sans pouvoir les étayer, et l’amateurisme franchouillard comme les conventions du Wikipedia movie finissaient par gonfler le film comme une vulgaire baudruche. Le Chat du rabbin lui est sans doute supérieur bien qu’il s’avère aussi plus déprimant : rien n’y est vraiment raté, mais rien n’est cinématographiquement compatible. Le pitch concentre trois cinquièmes des aventures du fameux chat parlant, synthèse aussi mal fagotée que l’était la vie gainsbourienne – l’exposition du personnage dure si longtemps que le film semble ne jamais commencer. Et si, finalement, au bout de trois quarts d’heure, le récit s’ébranle, quitte l’Alger coloniale pour un road movie express en Ethiopie. Puis retour au point de départ. Fausse alerte, l’équipée du chat est à peine revenue sur ses pas que tout s’arrête : fondu au noir, un générique qui défile et Enrico Macias qui gratouille sa guitare. Rideau ou panne sèche, on ne sait pas très bien. Si l’on détecte sans mal le but profond de l’entreprise (la religion expliquée aux enfants, tressée à une leçon de tolérance qu’approuveraient sans mal Al Quaeda et l’internationale des hooligans), l’incertitude formelle réduit l’ensemble à un brouillon d’anecdotes, d’enjeux atrophiés (le côté picaresque, particulièrement desséché), remettant à plus tard la promesse d’un vrai film. Logiquement, ce Chat reste toujours à côté de ses intentions, pourtant nombreuses : désespérément plat malgré la 3D (les images se chevauchent au lieu de produire du relief), haché alors que le récit rêve d’arabesques et de circonvolutions à la Miyazaki (quand le chat perd puis retrouve la parole), très bavard sans dire grand chose. Sfar ne parvient jamais à s’élever au-dessus d’une logique d’affrontement des contraires, laquelle nourrit un manichéisme qui donne à peu près ceci : alliance des gentils juifs et des gentils musulmans (deux d’entre eux s’appellent Sfar, sacré clin d’œil) qui tournent le dos aux méchants obscurantistes de tous poils (colonialistes compris), pendant le chat joue les candides voltairiens d’un camp à l’autre. Le cinéaste peut toujours arguer que son film est familial donc nécessairement pédagogique. Oui mais non : Le Chat du rabbin est plus proche d’un « Oui-Oui et les juifs » que des studios Ghibli.
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