Un film sur les élections, parce que c’est de saison. En Europe, quelque part, nulle part, entre les deux tours d’une présidentielle : le candidat Michel Dedieu, mal au point dans les sondages, s’apprête à affronter son concurrent lors d’un décisif débat télévisé. Reclus dans un château, entouré de conseillers, il se prépare au combat et réalise peu à peu qu’il n’est qu’un pantin entre les mains de plus puissants que lui. Le premier film de Niels Arestrup s’épargne le couplet « toute ressemblance avec des personnes réelles ou fictives, etc. ». Nul écho de notre campagne dans celle du Candidat. Tout au plus le film se permet comme ancrage dans le contemporain l’évocation d’une guerre lointaine et la question d’un engagement militaire auprès d’un allié qui ne peut être qu’américain. Plus singulièrement, il est fait le choix univoque de ne filmer qu’un théâtre sur deux : le privé, mais pas le public, les coulisses, mais pas la scène. Nul électeur ne pointe le bout de son nez dans ce film dont l’essentiel de l’action se déroule dans un château isolé, jamais le candidat ne fait face à un public autre que celui composé par la petite batterie de ses conseillers. Le film a peu d’habitants : candidat stressé, poignée de conseillers en tous genres, gamins qui patientent devant la télé, épouses lascives qui s’ennuient, men in black à la sécu, gorilles dans la brume. Dans ce désert, le meilleur du candidat est la sorte de fatigue songeuse, presque boudeuse, qui s’empare du candidat. Un candidat qui monte se coucher quand tout le monde travaille, s’endort sur les canapés, enlève ses chaussures sous la table du débat télévisé, bref, qui en a marre.
L’ennui, c’est que Niels Arestrup ne s’épargne pas, et ne nous épargne pas au passage, la pesanteur collante d’une solennité collante et peu ridicule, typique d’un cinéma français qui roule des mécaniques et rugit à l’hollywoodienne avec une voix de chaton. A commencer par l’interprétation d’Arestrup lui-même, en grand manitou cynique du côté obscur de la force, genre détaché de tout (quand la tension est à son comble, demander un cigare, vérifier que son chien a bien pissé, etc.), des formules toutes faites et banales plein la bouche : la politique c’est comme les échecs, il faut avoir un coup d’avance -ce genre de choses, c’est dire si ça va loin. Son personnage caricature de grand gourou, interprété par lui avec une grandiloquence pathétique, flingue le film. Mais partout se respire un esprit de sérieux un peu grotesque ; partout c’est-à-dire dans les détails, par exemple l’application qui est mise à faire péter le son & lumière, à l’image de l’interminable plan d’ouverture, voulu abel-ferrarien, sur une voiture de luxe roulant au pas. Et puis à l’oreille, ça cogne : les sièges en cuir crissent, le moindre interrupteur de loupiote fait un barouf de tous les diables, avec échos et tout, lorsqu’on appuie dessus, etc. Comme Arestrup semble davantage occupé par ces réglages castorama, il délaisse la pente dépressive de son film et se contente d’une pseudo leçon sur l’exercice du politique qui, on s’en doute, est assez insignifiante.