On connaît depuis longtemps l’état de déliquescence du cinéma transalpin auquel la France continue à consacrer soit par intérêt diplomatique soit par pur masochisme pas moins de deux festivals annuels : Annecy et Villerupt. La disparition de Fellini, puis celle de Ferreri, les fins de parcours décevantes de Risi, Scola et des frères Taviani ont sonné le glas de la faste période du cinéma italien, ravagé par la télévision et son incapacité à s’exporter. Quelques survivants et incoercibles œuvrent cependant toujours envers et contre tout, défendant de leur mieux le petit territoire cinématographique qui leur appartient. Ces francs-tireurs s’appellent Marco Bellochio, Nanni Moretti, Mario Martone ou encore Tonino de Bernardi ou Mario Brenta.
Gianfranco Mingozzi, lui, se situe du côté de l’arrière-garde qui, ayant fait ses classes au temps du règne de Cinecittà, en tant qu’assistant de Fellini sur la Dolce Vita puis documentariste (un film sur Antonioni notamment), a tourné sans discontinuer des années soixante à la fin des années quatre-vingt. Peu de ses réalisations ont franchi nos frontières hormis Flavia, la défroquée, L’Ecran magique, Les Exploits d’un jeune Don Juan et La Femme de mes amours. Rien qui ne laissât en tout cas de souvenirs autres que conventionnels. Après avoir tâté de tous les genres avec un penchant affirmé pour l’érotisme de salon, cette vieille branche de Mingozzi, habituée à faire feu de tout bois, s’est enflammée pour Le Café des Palmes, un roman de Marco Lodoli. Le spectateur serait bien en peine de trouver une once de fraîcheur dans ce rance ramassis de clichés sur le destin d’un salon de thé désuet, perçu à travers le regard d’un adolescent falot et du serveur de l’établissement.
Le film dresse involontairement l’inventaire quasi exhaustif des composantes grossières et éventées du nouveau cinéma nostalgique italien dans la mouvance de Cinema Paradiso et du Facteur. Douceur de vivre du temps passé, galerie convenue d’exubérants personnages secondaires, mélancolie appuyée, passage obligé du rire aux larmes : rien ne manque à l’appel de ce navet rétrograde et poussiéreux, nappé de l’écœurante lumière jaunasse de Luigi Verga et d’une partition mollassonne du trop prolixe Nicola Piovani. Le Café des Palmes, sorte d’hybride raté issu du croisement des scénarios d’Et vogue le navire et de Viridiana (excusez du peu !), n’atteint pas même le niveau d’une pâle copie sournoise. En fait, le film sénile de monsieur Mingozzi n’exprime pas la moindre idée de cinéma ; il s’étouffe dans les effluves nauséeux de son éloge idiot du temps perdu. Et ses suffocations déplacées laissent de marbre.