Trois morceaux d’une grande blonde nommée Louise, obsédée par les voitures :
1 – Son apprentissage (sur le tard) de la conduite aux côtés d’un instructeur au look « de moniteur de varappe ».
2 – Son errance dans un centre commercial de province où la belle se trouve « enfermée dehors », oubliant ses clés à l’intérieur dans son Renault Espace de location.
3 – Un flash-back en petite enfance : Louise s’allonge sur la banquette arrière, sa mère tient le volant. Discussions, chamailleries, grimaces aux automobilistes, défilement hypnotique des lignes blanches, des phares jaunes, l’autoroute spirit quoi.
Conduite, sortie de route et tractation, les analogies sur le sens de la vie se ramassent à la pelle dans ce conglomérat d’historiettes signé Laure Marsac, sous-vedette de télévision qui impose pour son premier long-métrage une sorte de Woody Allen en talons aiguilles (pour le débit freudien) ou de Pierre Richard au féminin (pour la démarche burlesque). Si l’exercice se laisse parfois aller à l’évaporation fastoche, son aspect général tient sacrément la route. Laure Marsac déploie une grammaire épurée pour animer son cadre : une couleur en liant (le rouge, archi-symbolique, de l’érotisme au danger), deux acteurs, elle-même en nunuche fébrile auto-satisfaite (plutôt pas mal) croisant une galerie de caricatures, dessinées d’un seul trait, en une image -l’entrée de Podalydès, barbe et polaire, en moniteur d’auto-école, un must.
Il y a aussi cette logique d’étirement, rigoureuse et constructive, où la bizarrerie éclot sans forcer. Il ne faut pas deux plans à Laure Marsac pour saisir une émotion familière, une angoisse, un trauma. La meilleure séquence demeure sans conteste le second « morceau » du film qui aurait sans doute mérité un long-métrage à lui tout seul. Un sur-place cauchemardesque au supermarché, pas si loin, dans l’esprit, d’une odyssée lynchienne. De la mémé anti-tabac, surgissant des caddies telle une pythie malicieuse, au monospace posé sur le parking déserté, tel un micro-monde verrouillé, entêté et translucide, l’image se gorge d’une angoisse blanche, irradiante. Ces flux détachent le film de toute certitude, ouvrant une multitude d’enjeux ludiques : filmer l’ennui, l’inutile, le temps qui passe, figer les corps (le prêt du téléphone, superbe moment névrotique) tout en faisant circuler le hors champ. Rares sont les films -français en particulier- à s’adonner à l’étrangeté sans sombrer dans une lourdeur graphique ou une complaisance de principe. En construisant son puzzle, Marsac frôle les écueils, mais reste ferme dans l’art du slalom. On peut appeler cela de la maîtrise.