Dans les années 90, des étudiants du MIT gagnent des sommes faramineuses dans les casinos de Las Vegas en appliquant, avec beaucoup de pragmatisme, la théorie du calcul des probabilités au black jack. Cette histoire vraie est extraordinaire. Mais, transposée à l’écran, elle l’est moins que la petite histoire bébête qui avait fait le succès de Robert Luketic en 2001 : l’histoire d’une blonde idiote et cependant dotée d’un exceptionnel sens pratique. Autant La Revanche d’une blonde était un film résolu, très proche des comédies édifiantes et fantaisistes de George Cukor avec Judy Holiday (Comment l’esprit vient aux femmes, Une Femme qui s’affiche), autant Las Vegas 21 est un film velléitaire et informe. La qualité essentielle du premier était d’avoir repoussé les limites, scène après scène, d’un point de départ dérisoire. A l’inverse, la richesse du second, son histoire bigger than life, s’avère dérisoire.
Ben, un surdoué sans le sou (Jim Sturgess), désire obtenir une bourse et on lui apprend comment gagner à tous les coups au jeu de hasard. Après ce début plus ou moins réaliste et technique, le film embraye sur la vie d’une bande de jeunes nouveaux riches décrite sans ferveur ni inquiétude et sur une histoire sentimentale sans enjeu. A la fin, le film raccroche sur l’enfer du jeu (le jeu, l’argent facile, c’est mal, ça fait perdre la tête, ça expose à des retours de bâton), mais la convention moraliste, parachutée, est incompréhensible.
Apparemment à la mode, Las Vegas est évoquée comme une zone franche dans Redacted, montrée comme un défouloir dans En cloque, mode d’emploi et dans Jackpot, décrite dans son fonctionnement dans Lucky you. Dans Las Vegas 21, elle est absente. Les salles de jeu, chambres d’hôtel, boutiques, ne montrent rien, n’évoquent rien, ne racontent rien. Elles reproduisent l’image publicitaire associée à la ville. Pourquoi le costume Armani qu’achète Ben, après s’être enrichi au jeu, semble-t-il sorti d’un supermarché ? Non parce que le metteur en scène, contrairement aux protagonistes, ne cèderait pas aux sirènes du luxe ; mais simplement parce que le costume sort du magasin sans véritable personnage pour le porter, qu’il n’est investi d’aucune prestance, d’aucune passion, d’aucun drame, d’aucune vertu initiatique, quel qu’ait pu être le travail du costumier en chef.