Du premier Tomb raider, on se souvient de ce paradoxe : un gouffre formel et narratif (en gros un non-film) si large qu’il permettait aux beautés synthétiques de la bombe Lara Croft d’exploser le temps de séquences emplis d’une irréelle solitude (notamment celle, très poétique, du saut à l’élastique). Avec Jan de Bont aux commandes de ce second volet, c’est précisément l’inverse qui se produit : plus de cinéma (le cinéaste est un peu plus doué, techniquement parlant, que le patraque Simon West), plus d’effets (90 millions de dollars), plus de rebondissements et plus de personnages (un comparse musculeux, des sous-fifres exotiques en pagaille). Mission : étouffer Lara Croft dans les dédales d’un hirsute et patibulaire film d’action.
Pourtant rien n’y fait : on ne voit que Lara dans Tomb raider 2, et mis à part le fameux « berceau de la vie » (soit une petite boîte en carton introuvable), tout autour d’elle part en fumée. Une délirante scène de tremblement de terre sous-marin ressemble à un vaste chantier de bouts de plâtre et de polystyrène. Un requin gros comme Jaws se prend un pain de la bomba et s’en retourne la queue en berne. La muraille de Chine se transforme en piste de motos Lego, et toutes les divinités grecques en Playmobils biodégradables. L’une des dernières tribus massaï disparaît sous nos yeux. Tout le monde, au plan suivant, les a oubliés. Un déluge de blagues de viandards en rut écrase le film. La beauferie absolue le contamine : mais la belle Lara, d’un petit bond, se retrouve seule sur le toit du monde, passant des monts de l’Himalaya à ceux du Kilimandjaro sans crier gare.
Voilà bien le seul intérêt de cette bouse débilisante et pachydermique : voir partir en fumée 90 millions de dollars de béton, de viande et de pyrotechnie sous l’oeil hautain et indifférent d’une petite sorcière de latex et de silicone. Chercher une petite trace d’érotisme et de vie dans ce qui s’apparente, on ne sait trop, à un grand film de vacances morbide à la Max Pécas (la chute en forme de burlesque post-colonialiste: « sauvons-nous de l’Afrique ») ou au péplum le plus bête et le plus dégénéré qu’il ait été donné de voir sur un écran depuis longtemps.