Traumatisé par le succès du très queer Priscilla folle du désert et par l’inanité des quelques rares films d’auteurs qui parviennent jusqu’à nos frontières, on croyait le cas du cinéma australien définitivement réglé. Mais c’était sans compter le long métrage de Ray Lawrence, première bonne surprise de cet été, même si ce thriller spleenétique aura sans doute du mal à trouver sa place en ces temps de divertissements ultra-lights. On ne saurait ainsi trop conseiller à ceux qui ont en déjà marre de l’euphorie estivale d’aller voir Lantana, histoire de ressortir les pieds bien sur terre, délestés des quelques illusions qui leur restaient sur la nature humaine. D’une lucidité radicale, le long métrage de Lawrence prend ainsi paisiblement son temps pour installer un climat de gêne générale comme on en voit rarement au cinéma. Sans tomber dans le pathos de la dépression, Lantana dresse le portrait de quadragénaires en bout de couse, en proie au doute mais toujours animés par un certain instinct de prédateur qui leur fait commettre du mal, bien souvent par bêtise. Un flic traumatisé par l’adultère qu’il a commis, une épouse modèle qui trompe son ennui dans un cours de Bossa nova, une psy boderline qui a perdu sa fille et soupçonne son mari d’être homosexuel, une vieille fille nympho qui allume son voisin au chômage, tel est la joyeuse parade qui peuple le film.
Mais Lantana a la bonne idée de ne pas s’en tenir à la description glauquissime d’une poignée de concitoyens en apparence lambdas. Quand la psy disparaît mystérieusement en forêt, c’est toute la mécanique du thriller qui se met tranquillement en place jusqu’au faux rebondissement final, en forme de pétard mouillé. L’épaisseur psychologique des personnages permet ainsi à l’enquête d’échapper à la factuelle résolution des faits en même temps qu’elle la relègue paradoxalement en second plan. On retiendra surtout de Lantana l’opacité inquiétante de ses protagonistes et l’atmosphère de fausse sérénité d’une nature environnante aussi angoissante que la forêt de conifères du Twin Peaks de Lynch. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Ray Lawrence a choisi d’intituler son film Lantana, du nom de cet arbuste qui dissimule sous ses jolies fleurs multicolores des broussailles de ronces…