Si la renommée en France des films asiatiques traitant de l’homosexualité est disproportionnée par rapport à leur présence microscopique dans leurs pays d’origine, ce thème commence tout de même à avoir droit de cité sur les écrans chinois. La preuve avec Lan Yu qui constitue véritablement un tournant. Happy Together de Wong Kar-waï ne traitait en effet pas de la spécificité d’une relation entres hommes et le Chinois clandestin dans Le Protégé de Madame Quing, sorti l’année dernière, restait dans de chastes sous-entendus. Lan Yu montre plusieurs fois des hommes nus au lit et cette implication des acteurs est une première. Autre intérêt du film, l’origine de son histoire, une nouvelle anonyme publiée sur internet, Beijing story, très crue, qui a fait le tour de la communauté homosexuelle chinoise.
Le scénario peut paraître banal dans une France qui a traité l’homosexualité sous tous ses aspects mais il est solide et détaille subtilement le couple formé par Chen Handong, grand bourgeois de Pékin et Lan Yu, un étudiant prêt à se prostituer. Leur première fréquentation débouche sur une frustration, Chen Handong ne voulant pas s’attacher à Lan Yu. Mais la révolte de juin 1989 pousse Chen Handong à s’inquiéter pour son amant étudiant. Il l’accueille alors dans sa villa, même s’il n’assume toujours pas leur relation Il se marie avec une traductrice, pétillante et futée, qui fait effectivement une femme idéale. Bien sûr, ce mariage ne tient pas et lorsque la société de Chen Handong est accusée de vol, celui-ci se raccroche à l’innocence et la jeunesse de Lan Yu. Ces multiples rebondissements -souvent traités par des sous-entendus typiques d’une narration à l’asiatique- n’empêchent pourtant pas Lan Yu d’être paradoxalement une oeuvre formatée pour l’international. La mise en scène s’élève ainsi à peine au dessus de l’honnête traitement du fait de société. Le film semble surtout porté par ses acteurs et, plus qu’un style Stanley Kwan qui fait parfois penser à du sous-Wong Kar-waï, on sent ici la patte de William Chang, exemple unique de décorateur-monteur. Ce collaborateur régulier de Wong Kar-waï (avec qui il créé aussi des robes), à l’instar du scénariste-monteur de L’Emploi du temps, Robin Campillo, ne laisse littéralement pas beaucoup d’espace à la mise en scène.
Dans ce Lan Yu très intimiste, les décors (le bar où les deux hommes se rencontrent, la somptueuse villa de Chen Handong, le couloir avec une grande glace de la fin, ou bien évidemment, la chambre) aiguillent les acteurs et imposent le cadre. Stanley Kwan s’est un peu reposé sur ces contraintes, rendant sa mise en scène un rien figée, là où Wong Kar-waï semblait rebondir sur les murs.