Grosse métaphore : un cargo désaffecté est squatté par une petite communauté dirigée d’une poigne de fer par un vieux tyran. L’occasion pour Mohammad Rasoulof de se gargariser d’un jus qui fait les beaux jours des festivals de world cinéma : poésie tiers-mondiste vintage, couleurs saturées, parabole sociale, rien ne manque à La Vie sur l’eau pour faire frémir de plaisir la bonne conscience du public occidental. C’en est presque touchant, tant le film se voue d’un bout à l’autre à une complaisance niaiseuse, laissant de coté les prémices d’un dispositif de cinéma ou, moins ambitieux encore, l’ébauche d’une bonne fiction. En deux plans, on comprend tout de suite que La Vie sur l’eau n’est pas un film mais un pass VIP concocté avec un savoir-faire horriblement cynique.
Grosse métaphore, donc, où synopsis et scénario se confondent. Chaque scène devient alors un défi pour Mohammad Rasoulof : où placer sa caméra, quel personnage appuyer pour parfaire le panel (après l’enfant-poisson alias l’espoir de tout un peuple, le vieux capitaine ayatollah, l’instituteur pas dupe et l’ado rebelle jeté en pature), quel raccord imprimer à l’actualité la plus brûlante ? Au moins les tentatives chics de Samira Makhmalbaf (Le Tableau noir) semblaient plus honnêtes dans leur grossière frontalité. Car Rasoulof ne se laisse même pas gagner par le syndrome du cinéma humanitaire dont la spectacularisation vaut au moins d’intégrer le tiers-monde à l’internationale hollywoodienne. Lui cherche le concept à tout prix, l’affinement par la poésie, une sorte de modernité post-antonionienne incroyablement maladroite. D’où un film aussi pourri que son cargo, lâche et boursouflé, comme un 52 minutes de Faut pas rêver monté comme un sous-film expérimental.
L’épreuve tient donc du supplice, tant Rasoulof se cherche en tournant : ici un ralenti, là un plan composé, le film s’accroche à la moindre idée, se débat et meurt à petit feu. Métaphore involontaire celle-là, la séquence de torture infligée par le capitaine au jeune rebelle : attaché sur un monte-charge sur le flan du bateau, il coule et remonte in extremis pour cracher ses poumons et survivre. Te casse pas Rasoulof, on a compris.