De sincères motivations ainsi qu’une démarche déterminée peuvent-elles vraiment suffire à l’élaboration d’un film ? Face au documentaire de Judith Abitbol, cette question prend tant d’ampleur que l’on en vient progressivement à ne plus prendre garde aux images défilant sur l’écran… Dans une telle situation, la réponse découle alors d’elle-même : de telles intentions, si primordiales soient-elles, ne peuvent maintenir l’attention du spectateur sur une durée aussi longue.
Avec La Spirale du pianiste, la jeune cinéaste forme le projet de réaliser un film sur le travail de la création. Elle a filmé, pendant huit mois, le quotidien d’un pianiste de renommée : Jean-Louis Haguenauer. Seul et unique acteur de ce documentaire, cet artiste nous est montré dans ses appartements, 1h40 durant. La plupart du temps face à son piano, il explique, en de longs monologues, son rapport au jeu, ainsi que son approche de Debussy, dont il doit interpréter les vingt-quatre préludes lors d’un récital… Comme par nécessité, autant pour présenter l’œuvre -indissociable du discours- que pour nous faire paraître le temps moins long, Judith Abitbol alterne séquences parlées et passages musicaux. Ces interminables plans fixes (certains atteignent la dizaine de minutes) finissent toujours par entamer l’attention du spectateur le plus persévérant. Au-delà de ce pénible problème de rythme, le charisme du personnage central n’augmente guère notre intérêt pour le film. En nous noyant dans ses explications -parfois incompréhensibles, souvent inintéressantes- sur l’enchaînement des tierces, l’écoute intérieure ou encore la position des doigts sur le clavier, Jean-Louis Haguenauer se révèle vite être un orateur fatigant. Quelques remarques, inutiles au possible, confinent même au comique, comme cet aparté sur les ongles longs qui l’empêchent de jouer correctement. Durant une séquence se déroulant dans le salon en désordre de Haguenauer, les propos soporifiques du pianiste nous portent à focaliser notre attention sur un anecdotique pot de confiture qui, placé en amorce de plan, devient très vite fascinant.
Cinéaste apparemment passionnée mais finalement peu passionnante, Judith Abitbol ne réussit pas vraiment à nous communiquer l’admiration qu’elle semble porter au musicien. Plonger le spectateur dans l’intimité du pianiste sans chercher à l’amener plus loin n’était peut-être pas la meilleure démarche à adopter. Reste la musique du film, magnifique. Mais peut-on vraiment s’en contenter dans une salle de cinéma ?